Mounier, avec une douce gronderie, telle qu’on la peut supposer de sa part, ne put s’empêcher de le lui faire remarquer : « Voyez donc, comment cela se fait-il ? […] A relire plus froidement aujourd’hui cette première moitié de son théâtre, on pourrait remarquer que, s’il se montre évidemment de la postérité de Racine par les soins achevés du style, il tiendrait plutôt de l’école dramatique de Voltaire par certaines préoccupations philosophiques et certaines allusions aux circonstances. […] On y peut remarquer une sorte de transition à sa seconde manière ; il cherche à s’y rapprocher de plus près de la nature, à prendre son point de départ dans la réalité : ainsi, dans le Miracle, il s’inspira de la vue d’un enfant mort, qu’il avait vu entouré de cierges et paré de ses beaux habits, au moment où un jeune frère, dans sa naïve ignorance, s’approchait du mort en lui offrant un jouet. […] Mais, même en ces ballades, remarquons-le bien, il transforme la réalité et l’enveloppe successivement en une suite de petits drames ; il y a chez lui de la composition, de l’arrangement toujours ; il idéalise, il construit, il revêt sa pensée première avec lenteur, grâce, circonlocution et harmonie.
Et remarquez que, tout en contestant à Chénier cette part essentielle qui fait la clef de son talent, M. […] remy s’était borné à faire remarquer qu’André Chénier, malgré tout, était de son temps ; à indiquer en quoi il composait avec le goût d’alentour, comment dans tel sujet transposé, dans tel cadre de couleur grecque, il se glisse un coin, un arrière-fond peut-être de mœurs et d’intérêt moderne, on n’aurait eu qu’à le suivre dans ses analyses. Nous avons nous-même remarqué autrefois que certaine ébauche d’élégie, la Belle de Scio, a l’air exactement d’avoir été composée au sortir de Nina, l’opéra-comique de Dalayrac et de Marsollier. […] J’ai plutôt plaisir à remarquer qu’il est pour quelque chose dans les meilleurs essais de ces dernières saisons, et que son influence s’y marque sans nuire aux parties originales.
Voici une de ses meilleures phrases, une des vingt qui paraîtront belles à la lecture sommeillante d’un voyageur de sleeping-car : « Comme les conquérants qui agrandissent leurs conquêtes par l’imagination, il faisait du présent victorieux le piédestal d’un avenir de gloire. » Il n’est pas besoin d’un psychologue profond (Paul Bourget lui-même suffirait à la tâche) pour remarquer qu’aux yeux d’un jeune ambitieux l’avenir n’est pas une statue précise, mais une succession de degrés qu’une lumière de féerie soulève l’un après l’autre et où monte un vertige joyeux. […] Mais ne suis-je pas vraiment trop naïf de remarquer qu’un marchand de bibelots, même lorsqu’il donne à son étalage un ordre heureux, n’est pas un artiste ? […] Je suis trop naïf pour avoir remarqué si, par hasard, les « études » dont je me souviens n’auraient point paru au moment où ce volume nous éblouissait aux étalages. […] Ou parfois, inattendu professeur de grammaire, il recommande aux disciples — qui sont, remarquez-le, un fossoyeur, un carrier et un maçon : « Ayez soin de venir à moi à tout instant, comme d’un terme dérivatif on va à l’étymologie. » Les gens du peuple, fort nombreux dans cette tragédie, mêlent avec agrément grossièretés populaires et élégances naturistes.
Seulement, un esprit ordinaire se contentera de remarquer une similitude entre deux idées sans en tirer des conséquences et sans remonter aux principes ; un Franklin, habitué à ce que Platon appelait la chasse aux ressemblances, partira de là pour concevoir sous les contrastes visibles des similitudes cachées et pour les vérifier par l’expérimentation. […] Maintenant, il importe de le remarquer, l’union ne peut avoir lieu qu’à travers des parties du cerveau contiguës. […] Il obéirait, sans le remarquer, au courant qui l’entraîne ; il arriverait à telle conséquence, mais sans savoir pourquoi : il associerait des impressions similaires sans les reconnaître similaires, contiguës sans les reconnaître contiguës. […] Nous pouvons ensuite nous souvenir et prendre conscience d’une coïncidence qui s’était marquée dans le cerveau mécaniquement et, à quelque degré, émotionnellement, mais sans avoir été alors remarquée par l’intelligence.