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524. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Par exemple, celle-ci : « Ceux qui ne veulent pas souffrir que le prince use de rigueur en matière de religion, parce que la religion doit être libre, sont dans une erreur impie. » Ou bien cette autre : « Les princes ont reçu de Dieu l’épée pour seconder l’Église et lui soumettre les rebelles. […] Je n’ai qu’à transcrire les documents suivants :‌ Dépêche de Pontchartrain à M. de Mesnars, en date du 2 avril 1686 : « Monsieur, les nommés Cochard, père et fils, s’estant convertis, il n’y a qu’à renvoyer les ordres qui avoient esté adressez au lieutenant général de Meaux pour les faire arrester parce qu’ils n’avoient esté expédiez qu’à cause de leur religion, à la prière de M. l’évesque de Meaux. […] L’une des médailles frappées pour perpétuer le souvenir de cet acte mémorable, l’écrasement, pour un siècle, de la libre pensée religieuse en France, représente « la Religion plantant une croix sur des ruines, pour marquer, ajoute Weiss, le triomphe de la vérité sur l’erreur, avec cette légende ; Religio victrix ». […] N’est-il pas stupéfiant d’entendre dire à tel de ces critiques « membre du conseil supérieur de l’instruction publique » que « sa gloire si pure doit toujours rester une des religions de la France » ? […] Je ne suis pas protestant : — je crois même que toute religion qui prend comme expression complète de la vérité du monde un livre quel qu’il soit, Bible ou Coran, est radicalement fausse, — mais il est de toute évidence que le protestantisme, s’étant détaché de Rome et ayant inscrit le libre examen en tête de son programme, a réalisé un progrès immense sur le catholicisme autoritaire et pourri.

525. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

C’est une religion qui s’empare de tout l’être. […] Quelques lettres même, les dernières, ont des accents d’émotion qu’on n’attendrait pas ; celle qu’il écrit à lord Sheffield à la première nouvelle de son malheur, et au moment de partir pour le rejoindre, est belle et touchante ; on dirait presque qu’un éclair de religion y a passé. […] [NdA] L’effet que font ces chapitres, l’impression générale qu’ils laissent dans l’esprit n’ont jamais été mieux rendus que dans un passage du Journal de Sismondi, à la date du 29 janvier 1799 : Les deux derniers chapitres (15e et 16e) de Gibbon, dit-il, sont l’un, sur l’établissement de la religion chrétienne, et l’autre, sur les persécutions qu’elle a éprouvées. Ils sont écrits avec des ménagements insidieux ; l’auteur parle toujours le langage de la religion et conclut en sa faveur, mais il l’attaque de tous les côtés, et ses conclusions sont toujours en contradiction avec les faits ou les raisonnements qui les précèdent.

526. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Il est curieux de voir, à cette fin de campagne, l’impatience du vieux guerrier qui, arrivé toutefois à son but pour la politique, frémit de colère de n’avoir pu frapper un dernier coup, et de se voir obligé à remettre l’épée dans le fourreau sans s’être vengé une bonne fois de ses ennemis dans une bataille : « En fait de campagne, disait-il en se jugeant avec une sorte d’amertume, nous n’avons fait (cette fois) que des misères55. » Dans les années qui suivent, on retrouve Frédéric et le prince Henri en conversation par lettres, en discussion philosophique sur les objets qui peuvent le plus intéresser les hommes, la religion, la nature humaine et le rang qu’elle tient dans l’univers, les ressorts et mobiles qui sont en elle, et les freins qu’on y peut mettre. Le prince Henri, bien qu’il n’ait guère en définitive plus de croyance à l’invisible que son frère, et qu’il soit comme lui l’enfant de son siècle, a plus de circonspection, de respect, et en ce qui est de la religion il fait preuve humainement de plus de sagesse. […] Tels sont encore la plupart des axiomes de morale, lesquels reçoivent une caution plus forte aux yeux de ceux qui croient à une religion. C’est, en un mot, un frein de plus, lequel, s’il vient un jour à se relâcher totalement, aura des suites peut être aussi funestes que l’ont été ces affreuses guerres de religion.

527. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Le prétexte de l’intervention française, outre l’intérêt général de la religion, était, que les réformés du midi de la France, pressés par les Édits, désertaient et trouvaient un asile tout proche chez leurs frères dans les vallées du Piémont. […] Catinat, il faut le dire, ne vit dans cette guerre si mauvaise qu’il allait faire à de pauvres montagnards pour leur religion, et dans la part principale qu’il y devait prendre, qu’une marque nouvelle de la confiance du roi et une occasion d’avancement : il était militaire avant tout, et chargé en chef, pour la première fois, d’une expédition difficile, il eut un mouvement de joie ; il ne raisonna point sur la légitimité de l’entreprise, il ne s’occupa que de prendre ses mesures pour la conduire le mieux possible et le plus vivement. […] On se raffermissait dans la résolution de défendre sa religion et sa patrie jusqu’à la mort. […] Le roi connaîtra dans la suite de quel poids lui seront les conquêtes qu’il a faites… » Cette guerre de guérillas, on l’a trop su à toutes les époques, dans un pays qui la favorise et avec le ferment de la religion et du patriotisme, est indestructible et quasi-immortelle.

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