— Sans doute, en un certain sens, les grands courants d’idées philosophiques, religieuses et sociales peuvent avoir sur l’individu une influence libératrice, en ruinant ou en affaiblissant les disciplines anciennes et en opposant à l’idéal étroit des sociétés existantes un idéal d’affranchissement relatif. […] Le christianisme primitif est devenu le catholicisme : le socialisme à son tour ne triomphera qu’en devenant unitaire et autoritaire. — La loi d’intégration sociale croissante peut donc amplifier les masses sociales et élargir les courants sociaux ; elle peut amener la formation de vastes groupements d’hommes tels que les États-Unis d’Amérique ou peut-être dans un avenir plus ou moins prochain, les États-Unis d’Europe ; elle peut favoriser la formation de tel grand courant social ou religieux : provoquer peut-être l’avènement du socialisme universel ; tout cela n’augmentera pas nécessairement la somme de liberté ni la somme de bonheur des individus.
J’admire cette inspiration religieuse chez le grand évêque ; mais, en pratique, elle l’a mené au droit divin et à la politique sacrée. […] Il a gardé de ses origines le sentiment religieux, le tour d’esprit et comme le geste habituel vers la Providence.
Il oubliait que lui-même, écrivant à Voltaire, lui avait dit : « Tout homme a une bête féroce en soi ; peu savent l’enchaîner, la plupart lui lâchent le frein lorsque la terreur des lois ne les retient pas. » Son neveu, Guillaume de Brunswick, se permit un jour de lui faire sentir l’inconséquence qu’il y avait à relâcher ainsi les liens religieux qui retiennent la bête féroce. […] Cela sent un reste de mauvais goût natif et de grossièreté septentrionale, et l’on a pu dire, avec une juste sévérité, des lettres de Frédéric : « Il y a de fortes et grandes pensées, mais tout à côté il se voit des taches de bière et de tabac sur ces pages de Marc Aurèle. » Frédéric, qui avait du moins le respect des héros, a dit : « Depuis le pieux Énée, depuis les croisades de saint Louis, nous ne voyons dans l’histoire aucun exemple de héros dévots. » Dévots, c’est possible, en prenant le mot dans le sens étroit ; mais religieux, on peut dire que les héros l’ont presque tous été ; et Jean Muller, l’illustre historien, qui appréciait si bien les mérites et les grandes qualités de Frédéric, a eu raison de conclure sur lui en ces mots : « Il ne manquait à Frédéric que le plus haut degré de culture, la religion, qui accomplit l’humanité et humanise toute grandeur18. » Je ne veux plus parler aujourd’hui que de Frédéric historien.
J’en ai trouvé un ici qui est un saint religieux… Je crois que Mme des Ursins s’inquiétait un peu moins de ses confesseurs que Mme de Maintenon ne faisait des siens. […] Ces deux femmes célèbres sont belles, à certains moments, chacune dans son rôle, et il est telle lettre de Mme de Maintenon (celle du 23 décembre 1708, par exemple), dans laquelle elle expose son sentiment religieux et résigné avec une justesse, une fermeté et une noblesse de ton si imposante qu’elle arrache un cri d’admiration à celle même qui la contredit.