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730. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Mais, si la science est la chose sérieuse, si les destinées de l’humanité et la perfection de l’individu y sont attachées, si elle est une religion, elle a, comme les choses religieuses, une valeur de tous les jours et de tous les instants.

731. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

L’Abbé Christophe (Philosophes et Écrivains religieux, Les Œuvres et les Hommes, IIIe série).

732. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

. — En somme, au dix-septième siècle, ce qui fournit les idées mères, c’est la foi, c’est la pratique, c’est l’établissement religieux et politique. […] La pudeur, comme le vêtement, est une invention et une convention400, il n’y a de bonheur et de mœurs que dans les pays où la loi autorise l’instinct, à Otaïti par exemple, où le mariage dure un mois, souvent un jour, parfois un quart d’heure, où l’on se prend et l’on se quitte à volonté, où, par hospitalité, le soir, on offre ses filles et sa femme à son hôte, où le fils épouse la mère par politesse, où l’union des sexes est une fête religieuse que l’on célèbre en public  Et le logicien poussant à bout les conséquences finit par cinq ou six pages « capables de faire dresser les cheveux401 », avouant lui-même que sa doctrine « n’est pas bonne à prêcher aux enfants ni aux grandes personnes »  À tout le moins, chez Diderot, ces paradoxes ont des correctifs. […] J’en appelle à toutes les institutions politiques, civiles et religieuses ; examinez-les profondément, et je me trompe fort, ou vous verrez l’espèce humaine pliée de siècle en siècle au joug qu’une poignée de fripons se permettait de lui imposer… Méfiez-vous de celui qui veut mettre l’ordre ; ordonner, c’est toujours se rendre maître des autres en les gênant. » Plus de gêne ; les passions sont bonnes, et, si le troupeau veut enfin manger à pleine bouche, son premier soin sera de fouler sous ses sabots les animaux mitrés et couronnés qui le parquent pour l’exploiter409. […] Cette idée, Rousseau l’a tirée tout entière du spectacle de son propre cœur410 : homme étrange, original et supérieur, mais qui, dès l’enfance, portait en soi un germe de folie et qui à la fin devint fou tout à fait ; esprit admirable et mal équilibré, en qui les sensations, les émotions et les images étaient trop fortes : à la fois aveugle et perspicace, véritable poète et poète malade, qui, au lieu des choses, voyait ses rêves, vivait dans un roman et mourut sous le cauchemar qu’il s’était forgé ; incapable de se maîtriser et de se conduire, prenant ses résolutions pour des actes, ses velléités pour des résolutions et le rôle qu’il se donnait pour le caractère qu’il croyait avoir ; en tout disproportionné au train courant du monde, s’aheurtant, se blessant, se salissant à toutes les bornes du chemin ; ayant commis des extravagances, des vilenies et des crimes, et néanmoins gardant jusqu’au bout la sensibilité délicate et profonde, l’humanité, l’attendrissement, le don des larmes, la faculté d’aimer, la passion de la justice, le sentiment religieux, l’enthousiasme, comme autant de racines vivaces où fermente toujours la sève généreuse pendant que la tige et les rameaux avortent, se déforment ou se flétrissent sous l’inclémence de l’air.

733. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

« C’est manquer, dit-elle, tout à fait de respect à la Providence, que de nous supposer en proie à ces fantômes qu’on appelle les événements : leur réalité consiste dans ce qu’ils produisent sur l’âme, et il y a une égalité parfaite entre toutes les situations et toutes les destinées, non pas vues extérieurement, mais jugées d’après leur influence sur le perfectionnement religieux. […] « Ou tout est hasard, ou il n’y en a pas un seul dans ce monde, et s’il n’y en a pas, le sentiment religieux consiste à se mettre en harmonie avec l’ordre universel (qu’il soit pour nous ou contre nous), parce qu’il est la volonté divine. […] La révolution française, ou plutôt la révolution européenne, couvant et éclatant dans le foyer de la France, avait deux buts : un but humain, l’émancipation de la classe la plus nombreuse, ou du peuple, de toute servitude et de toute inégalité aristocratique ; un but surhumain, l’émancipation de la raison et de la conscience de toute religion imposée et de toute servitude religieuse ; le détrônement des castes privilégiées par la loi, et le détrônement des églises d’État ; la loi égale et la foi libre, voilà la révolution. […] Il était religieux envers Dieu, envers la liberté comme envers sa famille.

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