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336. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Quand il se désignait sa place parmi les écrivains du jour, il portait son regard aux premiers rangs. […] Dans un écrit anonyme, mais qu’on savait de lui, il avait critiqué le poème des Jardins, nouvellement imprimé : Il vient enfin de franchir le pas, disait Rivarol de ce poème ; il quitte un petit monde indulgent, dont il faisait les délices depuis tant d’années, pour paraître aux regards sévères du grand monde, qui va lui demander compte de ses succès : enfant gâté, qui passe des mains des femmes à celles des hommes, et pour qui on prépare une éducation plus rigoureuse, il sera traité comme tous les petits prodiges. […] Sans qu’il les nomme, on voit bien, à l’éclair de son regard, à la certitude de son geste, qu’il est en face de tels ou tels adversaires.

337. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Les terreurs que les deux femmes qui l’élevaient contradictoirement mêlaient à l’envi aux contes du coin du feu paraissent lui en a oir ôté tout le charme, et on ne voit jamais trace chez lui d’un tendre regard en arrière vers les années de son enfance. […] Mais surtout, en regard du séjour de Volney à la cime du Liban, je voudrais opposer ce passage de Saussure, qui termine le tableau de son campement durant dix-sept jours sur le col du Géant. […] … Prétendez-vous vous soustraire à leurs regards lorsque vous leur devez un compte de toutes vos démarches, de toutes vos pensées ?

338. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Enfin on retrouve la mère, et derrière un paravent de femmes, on refait le regard velouté d’Ida de Barancy, dans un petit coin. […] « En qualité de musulman, je ne pouvais t’offrir à toi, chrétien, une femme de ma religion, mais comme cela, cette femme sur laquelle tu as jeté le regard, tu es sûr qu’elle ne sera plus à personne. » Dimanche 1er mai Quel métier que celui de romancier du temps présent et des choses contemporaines. […] Dimanche 26 juin Quand on devient vieux, il se glisse dans vos yeux quelque chose, qui enlève de la vie vivante aux femmes et aux hommes, sur lesquels vont vos regards, et aujourd’hui il me semblait voir sur mon chemin, dans de la lumière ensoleillée, les gens non tels qu’ils étaient, mais ainsi qu’on verrait passer des hommes et des femmes à travers les rideaux de tulle d’une croisée.

339. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Ainsi, cet immense masque humain, chacun des génies l’essaye à son tour ; et telle est la force de l’âme qu’ils font passer par le trou mystérieux des yeux, que ce regard change le masque, et, de terrible, le fait comique, puis rêveur, puis désolé, puis jeune et souriant, puis décrépit, puis sensuel et goinfre, puis religieux, puis outrageant, et c’est Caïn, Job, Atrée, Ajax, Priam, Hécube, Niobé, Clytemnestre, Nausicaa, Pistoclerus, Grumio, Davus, Pasicompsa, Chimène, don Arias, don Diègue, Mudarra, Richard III, lady Macbeth, Desdemona, Juliette, Roméo, Lear, Sancho Pança, Pantagruel, Panurge, Arnolphe, Dandin, Sganarelle, Agnès, Rosine, Victorine, Basile, Almaviva, Chérubin, Manfred. […] Une leçon qui est un homme, un mythe à face humaine tellement plastique qu’il vous regarde et que son regard est dans un miroir, une parabole qui vous donne un coup de coude, un symbole qui vous crie gare, une idée qui est nerf, muscle et chair, et qui a un cœur pour aimer, des entrailles pour souffrir, et des yeux pour pleurer, et des dents pour dévorer ou rire, une conception psychique qui a le relief du fait, et qui, si elle saigne, saigne du vrai sang, voilà le type. […] De chacun d’eux découle, au regard du penseur, une humanité.

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