En vain, en regard d’écrivains si suspects, un grand poète, qui ne s’était jamais avili, celui-là, avait-il chanté les vertus de Lucrèce.
Adorables regards, fidèles interprètes, Par qui nous expliquions nos passions secrètes, Doux truchements du cœur qui déjà tant de fois M’avez si bien appris ce que n’osait la voix ; Nous n’avons plus besoin de votre confidence ; L’amour en liberté peut dire ce qu’il pense, Et dédaigne un secours qu’en sa naissante ardeur Lui faisaient mendier la crainte et la pudeur. […] Presque tous les grands poètes ont eu les regards tournés vers le passé. […] Il convient cependant de noter qu’au regard même des contemporains, les comédies de Molière sont pleines de personnalités, de personnalités directes, et généralement offensantes. […] I Mesdames et Messieurs, Si vous étiez attentifs, et comme absorbés dans la contemplation de ce que l’on appelle un spectacle de la nature, immobiles et muets devant quelque beau paysage ou devant quelque fleur aux couleurs éclatantes, au port noble, au parfum pénétrant, ou devant un jeune et beau visage, est-ce qu’en vérité celui-là ne vous paraîtrait pas bien fâcheux et bien importun, qui viendrait vous distraire, et vous dire : « Ils se flétriront bientôt, demain peut-être, ces traits dont vous admirez le pur contour et l’élégant ovale ; ils se terniront, ces yeux dont l’éclat vous captive ; et de ce sourire enfin qui vous enchante, il ne demeurera qu’une funèbre grimace : Le front ridé, les cheveux gris, Les sourcils chus, les yeux éteints, Qui faisaient regards et ris… ……………………………………… Oreilles pendants et moussues, Menton foncé, lèvres paussues C’est d’humaine beauté l’issues ? […] La Muse de la tragédie était penchée sur l’urne de Pompée, et fixait des regards de désolation sur Rodogune, Cinna, Phèdre, Andromaque et Britannicus.
Elle a reconnu le traître Benko et surpris, entre Michel et lui, des regards complices. […] Et l’héroïque parricide, attestant, dans les lueurs éternelles qui sont peut-être ses regards, le Dieu qui lit dans les consciences, et qui a voulu que, obligés envers nos générateurs terrestres, nous le fussions plus encore envers la patrie, la terre elle-même et le mystérieux univers : Vous êtes les témoins, astres, regards de Dieu ! […] Elles ont les yeux allumés, des robes qui les dévêtent et qui les offrent ; et l’on sent qu’elles viennent d’être longuement serrées et pétries par des danseurs aux regards plongeants. […] Et, sans doute, Lanspessade a bravement fait tête à l’émeute, et il l’a domptée par la seule puissance de son « regard d’acier », comparable à celui de Bidel.
Et cela, si je ne me trompe, signifie deux choses à la fois : la première, que Buffon, sur cette question comme sur bien d’autres, a longtemps ou toujours hésité ; et la seconde, que, puisque l’on peut le réclamer des deux parts, c’est que l’étendue de son regard avait parcouru l’horizon de la question toute entière. […] Pas un grand poète, en aucun temps, depuis Homère jusqu’à Hugo, dont les regards ne se soient tournés complaisamment vers le passé ; dont l’imagination n’ait aimé remonter d’âge en âge le cours lointain des jours vécus ; et de qui l’on ne puisse dire, avec le philosophe, que l’humanité s’est composée pour lui de moins de vivants que de morts. […] Sous la fixité voulue de son regard, les objets se déforment et les proportions s’en altèrent ; ils prennent insensiblement les contours et les couleurs du rêve son œil les magnétise, et, en les magnétisant, les anime d’une autre vie que la leur. […] C’est au contraire déjà sortir du naturalisme que de ne vouloir arrêter ses regards, comme quelques-uns, que sur ce que la nature, dans son infinie diversité, nous offre d’agréable à voir, et de fermer les yeux, de parti pris, à tout ce qui s’y rencontre d’affligeant ou de simplement déplaisant. […] Une sorte d’inarticulée et d’insondable parole qui nous amène au bord de l’infini, et nous y laisse par moments plonger le regard…Voyez profondément, et vous verrez musicalement. » C’est là justement la prétention ou l’ambition des symbolistes et des décadents.