Il ne se borna pas, comme Tartuffe, à y jeter son mouchoir : un marteau à la main, il parcourut, un beau jour, sa galerie, en brisant de ces beaux marbres ce qui choquait le plus ses regards.
C’est une espèce de marquis de Posa historique, mais qui ne rêve plus, quand il a congédié l’avenir et circonscrit son regard aux hommes et aux choses qu’il veut peindre.
Zola le veut ; nous le voulons avec lui ; mais avouons toutefois qu’ils ont singulièrement étendu l’horizon de nos regards, — et que nous en profitons. […] Daudet dira donc excellemment : « Les franciscains montaient, erraient parmi d’étroits corridors… », parce qu’errer et monter sont des actions qui durent, et se continuent ; mais six lignes plus bas, il dira non moins bien, toujours guidé par son instinct d’artiste : « Les franciscains échangèrent un regard significatif », parce que l’action d’échanger un regard est plus prompte que la parole, et s’achève en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. Si cependant il avait dit : « Les franciscains échangeaient des regards significatifs », cela voudrait dire que, tandis qu’ils échangent des regards, une tierce personne, qu’ils regardent ou qu’ils écoutent, parle ou agit devant eux. […] Rien de triste ou d’attendri n’amollissait son regard pâle. […] Je crois que c’est faute d’avoir reçu, de la nature directement, des impressions assez fortes ; et parce qu’en France nous réputons banal tout ce qui ne sort pas d’abord du rang pour provoquer l’attention, s’isoler à l’état d’exception, et s’offrir soi-même aux regards à titre de singularité.
Peindre la réalité telle qu’elle se présente immédiatement aux regards de l’observateur, tel est l’art du Parnassien ; représenter dans la réalité tout le définitif mystère qu’elle recouvre, tel est l’art du Symboliste. […] La Pluie et le Beau temps59 a pour épigraphe cette jolie phrase de La Mettrie : « Tout passe, ma sœur, devant nos curieux regards comme ces objets de la lanterne magique. » Et voici, en effet, de petits tableaux auxquels il ne faut pas chercher de mystérieuses significations ; ils ne sont que des images colorées, aux lignes précises, dont l’œil s’amuse. […] La foule se rue à ces trafics, la joie dans les yeux, la folie au cœur… Ici, les spectacles, bruit, clarté, fracas, splendeur fausse, pitres pailletés, danseuses roses, des jambes, des hanches, des gorges, tout cela que fouillent et que caressent curieusement les mille regards du peuple ensorcelé… Ici, l’étal, la hideuse chair d’amour pour les meutes de la luxure… Ici encore les cathédrales gigantesques, où se réfugient les lassitudes, les dégoûts et les paniques de la ville démente. […] Immobiles et dignes ; — et les foules exaspérées n’ont pas un regard pour ces symboles refroidis de rêves qui jadis furent conducteurs de foules… Pourtant, au-dessus de ce trouble effroyable et de ces confusions inextricables des cités, règnent, invisibles mais précises, toutes rayonnantes d’immatérielle clarté, immuables, les Idées. […] Sirène mystérieuse et qui fut meurtrière, comme l’amour à celui qui, derrière les doux yeux caressants, cherche un autre regard de songe et de mélancolie, meurtrière aussi comme la pensée à qui ne se contente pas des enivrantes sensations de nature, de soleil et de joie délicieuse, mais la veut vêtir du manteau de science et captiver dans le château de ses méditations.