Et comme ces raisonnements paraissent s’appliquer au monde de nos sensations, nous croyons pouvoir conclure que ces êtres raisonnables ont vu la même chose que nous ; c’est comme cela que nous savons pas que nous n’avons pas fait un rêve. […] On a donc deux conditions à remplir, et si la première sépare la réalité4 du rêve, la seconde la distingue du roman. […] J’emploie ici le mot réel comme synonyme d’objectif ; je me conforme ainsi à l’usage commun ; j’ai peut-être tort, nos rêves sont réels, mais ils ne sont pas objectifs.
Celles à qui, dans leurs rêves, il sourirait d’être mères, réfléchissent, en considérant, au miroir, leur teint pâle de chlorose, qu’elles courraient trop de risques à le devenir. […] Et, jamais, la monstrueuse agglomération des villes, dévorant l’espace et les jardins, noyant la lumière de ses fumées accrues, tuant l’azur et les rêves, n’avait à ce point assombri les cerveaux de brouillards et peuplé les yeux de visions sinistres. […] Le rêve des parents, c’est l’administration.
Le reflet rose de la lampe dormait sur la table, Derrière lui, son portrait, peint par Whistler, semblait s’effacer dans un brouillard de rêve. […] C’est un rêveur qui, dans son rêve unique, met le sang de ses veines et son souvenir vivant de la terre. […] Paul Valéry, croyant suivre Mallarmé, se soit égaré dans son propre rêve et n’ait réussi qu’à se traduire lui-même, mais son cantique méritait d’être reproduit.
Ce qu’on peut se demander encore, c’est vers quelles contrées se portent les regards et les rêves des écrivains et du public. […] On peut suivre l’effet de ces excitations sur une femme claquemurée dans la banalité d’une petite ville de province, dans l’uniformité d’une vie casanière : Mme Bovary rêve de voitures qui l’emportent, au galop de quatre chevaux, vers de vagues pays à noms sonores. « Dans des chaises de poste, sous des stores de soie bleue, on monte au pas des routes escarpées, écoutant la chanson du postillon qui se répète dans la montagne avec les clochettes des chèvres et le bruit sourd de la cascade. » Le rêve que raille le romancier, il le fait pour son propre compte, et il le réalisera en partie, quand il parcourra l’Egypte ou l’Espagne.