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836. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Figurez-vous que l’artiste se fasse une règle de ne jamais pousser plus avant l’exécution de ses œuvres : quel art conventionnel cela donnerait ! […] Il y a là une règle de convenance que l’artiste, s’il ne l’applique pas de propos délibéré, respectera d’instinct. […] Dans tout organisme, une loi impérieuse de corrélation règle le développement de toutes les parties. […] Cette règle n’est-elle pas un peu sévère, nous demandera-t-on ? […] On pourrait citer quelques infractions à cette règle.

837. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Parmi les hommes qui m’ont écouté, les uns ont applaudi la composition des trois drames suspendus à un même principe, comme trois tableaux à un même support ; les autres ont approuvé la manière dont se nouent les arguments aux preuves, les règles aux exemples, les corollaires aux propositions ; quelques-uns se sont attachés particulièrement à considérer les pages où se pressent les idées laconiques, serrées comme les combattants d’une épaisse phalange ; d’autres ont souri à la vue des couleurs chatoyantes ou sombres du style ; mais les cœurs ont-ils été attendris ? […] Je ne cesse de m’étonner qu’il y ait eu des hommes qui aient pu croire de bonne foi, durant un jour entier, à la durée des règles qu’ils écrivaient. […] comme le malheur du jeune homme, comme la gracieuse pitié des enfants, comme l’oppression des ouvriers, comme l’orgueil satisfait et en règle du bourgeois riche de son travail, font pressentir ce qui va se passer en mettant le cœur du spectateur en complicité avec l’auteur !

838. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

La Bruyère l’a dit, dans une réflexion sur ce goût de comparaison qu’ont les princes, sans autre science ni autre règle : « Tout ce qui s’éloigne trop de Lulli, de Racine et de Lebrun est condamné214. » Ne serait-ce pas une assez belle part pour Louis XIV, dans les pompeuses merveilles de son siècle, d’avoir tenu en disgrâce tout ce qui s’éloignait de l’excellent ? […] Un spectacle du même genre, dix-sept siècles avant Boileau, avait inspiré à Horace l’idée de donner des règles de goût et de tracer à sa façon, en se jouant plutôt qu’avec la sévérité didactique, le code poétique de son pays. […] Cette règle d’ailleurs ne protégea pas seulement la majesté royale, mais encore tous les particuliers dont la vie privée, connue du prédicateur, soit par la confession, soit par la notoriété, aurait pu mériter les sévères allusions de la chaire.

839. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

« Je crois avoir prouvé la possibilité, — écrivait Condorcet, il y a tout juste cent ans, — de rendre la justesse d’esprit une qualité presque universelle ; … de faire en sorte que l’état habituel de l’homme, dans unpeuple entier, soit d’être conduit par la vérité soumis dans sa conduite aux règles de la morale… se nourrissant de sentiments doux et purs. » Et il ajoutait : « Tel est le point où doivent infailliblement le conduire les travaux du génie et le progrès des lumières 5. » Me dira-t-on que Condorcet n’était après tout qu’un encyclopédiste ? […] Tout au contraire, ils exagèrent la puissance et l’excellence de la nature, et mettant uniquement en elle le principe et la règle de la justice, ils ne peuvent pas même concevoir la nécessité de faire de constants efforts et de déployer un grand courage pour contenir et gouverner ses instincts désordonnés. » C’est ici la vérité même. […] Le malade se moque des règles, pourvu qu’on le guérisse.

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