C’est à quoi je reviens toujours, parce que c’est le danger fondamental de la comédie et le crime particulièrement de ceux qui, comme Molière, la traitent avec vigueur et puissance. » Voilà certainement ce qu’aurait pu dire Jean-Jacques Rousseau ; il n’en a rien dit du tout, peut-être parce que, comme pour Don Juan, la querelle lui a paru querelle de dévots qu’il ne voulait pas prendre à son compte ; et dans cette hypothèse la considération dont il s’agit aurait eu dans son esprit plus de poids pour le Tartuffe que pour le Don Juan ; car dans Don Juan, c’est Dieu qui est attaqué et mal défendu : or Rousseau tient à Dieu ; et dans Tartuffe, ce qui est attaqué, c’est la religion, et particulièrement la religion catholique, que Rousseau ne tient pas à défendre ou à avoir l’air de défendre ; et, comme Molière dit : « Mes ennemis ne se scandalisent pas de Scaramouche ermite et se scandalisent de Tartuffe, parce que Scaramouche joue le ciel, dont ces messieurs ne se soucient point, tandis que Tartuffe lesjoue eux-mêmes, et c’est ce qu’ils ne peuvent souffrir » inversement, si Rousseau ne s’occupe point de Don Juan, où Dieu est en jeu, à plus forte raison il ne s’inquiète point de Tartuffe où ne sont visés que les catholiques. […] Elle est celle d’un siècle qui, témoin de l’immense influence que la religion a acquisesurleshommes, croit à la toute-puissance de l’éducation ; croit qu’une jeune fille à dix-sept ans sera exactement ce que l’éducation et l’instruction et le dressage l’auront faite, ne tient pas compte de la puissance de l’instinct. […] Si l’homme doit lui plaire à son tour, c’est d’une nécessité moins directe ; son mérite est dans sa puissance ; il plaît par cela seul qu’il est fort. […] Tartuffe n’est-il pas l’ambitieux qui capte les héritages et les donations pour arriver à la puissance que donne l’argent, et n’y a-t-il nul rapport entre Tartuffe et Rodin ou Bel-Ami ?
Mais ils étaient vis-à-vis l’un de l’autre à l’état de puissances ; ils ressemblaient aux souverains que leur dignité empêche de se rendre visite. […] Edmond Lepelletier a très justement pensé que la femme ne cessait pas de l’être sitôt, et il nous donne sous le titre de : une Femme de cinquante ans, un roman de grand intérêt, écrit très solidement et témoignant d’une véritable puissance d’observation. […] On était frappé de la puissance et de la largeur de son front ; ses yeux pétillaient de vie et d’esprit, et avaient pourtant une douceur caressante. […] C’est par une grande clarté, une réelle puissance de logique et de déduction que se recommande l’ouvrage, très étudié, de M.
Il faut l’avouer : les romantiques n’ont entendu la liberté que du droit d’être eux-mêmes en tout ; de n’incliner devant aucune puissance au monde la « souveraineté » de l’artiste ; de ne reconnaître de loi que celle de leur caprice ou de leur fantaisie : Toujours le cœur humain pour modèle et pour maître ! […] 2º L’Historien. — Originalité de sa manière ; — et qu’elle ne diffère pas moins de celle de Guizot, dont on l’a souvent rapprochée, — que de celle de Thiers ou d’Augustin Thierry. — La Démocratie en Amérique, 1835-1840 ; — et que, du consentement des Américains, on n’a rien écrit sur eux de plus consciencieusement observé ; — ni qui demeure plus vrai dans ses grandes lignes, après soixante ans écoulés. — C’est que la sereine impersonnalité du philosophe s’y joint à la perspicacité de l’observateur ; — le désintéressement du savant à la curiosité du politique ; — et l’art de formuler la loi des phénomènes à celui d’en saisir le caractère essentiel. — L’Ancien Régime et la Révolution, 1856 ; — et que ce livre a marqué une époque dans la manière même de concevoir les origines de la Révolution ; — et d’en représenter l’histoire. — Comment Tocqueville a bien vu : 1º que la Révolution tenait par toutes ses racines au plus lointain passé de notre histoire ; — 2º qu’elle devait à la profondeur de ses causes son caractère « religieux » ; — et 3º que pour cette raison il ne dépendait d’aucune puissance politique d’en abolir les effets. — Par le moyen de ces deux ouvrages nul n’a plus fait que Tocqueville, — pour soustraire l’histoire à l’arbitraire du jugement de l’historien ; — préparer l’idée que nous nous en formons de nos jours ; — et lui donner tout ce qu’on peut lui donner des caractères d’une science. […] — Qu’à tout le moins, quand on a reconnu la vérité de ces reproches ; — et, à tous ces défauts, quand on a joint encore une manière de poser ses sujets, — qui ressemble à du charlatanisme ; — ou une perpétuelle affectation de profondeur, — qui se traduit par des maximes dont l’enflure ne renferme souvent que du vide ; — on est bien obligé de lui reconnaître une « puissance d’évocation » unique ; — et le don, comme il disait lui-même, d’avoir fait avec les personnages de sa comédie : « concurrence à l’état civil ». — Une question s’élève là-dessus, que l’on a déjà rencontrée [Cf. l’article Molière] ; — à savoir si cette manière d’écrire, inégale, confuse et mêlée comme la vie même, — ne serait pas une condition de la représentation de la vie ?
quelle ruse, ou quel long effort, ou quelle si grande puissance fut capable de t’enlever le manteau et les bandelettes d’or ?