Il dut y songer à deux fois et se recueillir pour accommoder et accorder ses propres pensées avec ce mode d’expression fin, éclatant et poli, dont l’idée si longtemps éclipsée était enfin retrouvée pour ne plus se perdre, et qui rayonnait avec diversité en vingt types immortels ; il fit, en présence des Grecs et des Latins, ce que les Latins avaient déjà fait en présence des Grecs : il choisit, il s’ingénia, il combina. […] Cette idée de Du Bellay (pour la traduire par des noms propres) est déjà une idée à la Descartes, à la Condillac, à la Condorcet. […] C’est ce côté intraduisible des poètes et des grands écrivains, historiens ou orateurs, que Du Bellay voudrait conférer comme marque et cachet d’originalité à notre propre idiome, à notre propre poésie. […] Et, à l’instant même, il fait preuve de mesure lorsqu’il dissuade son poète d’user en français de noms propres latins ou grecs, qui font dans le discours un effet criard, comme « si tu appliquois une pièce de velours vert à une pièce de velours rouge ». […] Il est pour les hardiesses d’alliances, pour les périphrases poétiques et bien trouvées, pour les épithètes qu’il ne faut employer que significatifs, expressifs (épithète était alors masculin), et selon le cours de la pensée, sans banalité oiseuse et avec une justesse propre.
Toutes deux étaient arrivées en quelques mois, par des routes différentes, au même souterrain, pour marcher de là au même échafaud : l’une, tombée du trône sous l’effort de l’autre ; l’autre, montée aux premiers honneurs de la république, et précipitée, à son tour, à côté de sa propre victime. […] Elle donna la moitié de son fichu à une jeune condamnée, et le noua de ses propres mains pour que la chasteté ne fût pas profanée même dans la mort. […] L’Histoire des Girondins fut le miroir du peuple, en lui montrant sa propre image dans sa laideur et dans sa beauté ; c’était le forcer à choisir entre l’horreur qu’il inspire sous les démagogues, et l’estime de lui-même qui le dignifie sous les hommes d’État de l’honnêteté et de la magnanimité. […] C’est l’éternel malheur des hommes qui ont taché leur nom du sang de leurs semblables de ne pouvoir plus se laver même dans leur propre sang. »………………. […] J’en ai commis une autre et que j’aurai le courage d’avouer aussi, dans ma carrière d’orateur politique, peu de temps avant le jour où la monarchie de 1830, ébranlée par d’autres coups que les miens, s’écroula, comme un rempart d’une ville sapée par ses propres défenseurs, sur leur tête et sur la mienne, et où il nous fallut supporter seul le poids de ce formidable écroulement.
Le vers est pour lui une forme d’art, ayant sa beauté propre, et traduisant d’une certaine façon en sensations de l’oreille le caractère de l’idée. […] Son dessin précis et sec convenait mieux à l’expression des types humains, des ouvrages de l’industrie humaine, des choses enfin et des êtres qu’on peut isoler dans leur figure et leur individualité propres. […] Ces chantres agenouillés qui enragent, ou fuyant éperdus la main qui les bénit, cela est vrai d’une vérité si spéciale et si propre, que notre meilleur peintre de la vie ecclésiastique l’a repris dans un de ses chefs-d’œuvre : rappelez-vous l’abbé Tigrane en présence de son évêque. […] L’expression est si propre, si serrée, si objective, qu’aussitôt on a le tableau devant les yeux : dans la noirceur enfumée du fond éclatent les trognes vermeilles, et l’éclair d’un verre ou d’un broc à demi rempli qu’on soulève. […] Jusque-là Boileau composait avec les idées de sa mémoire ; il assemblait sans conviction des abstractions conçues par son intelligence sur la foi de ses livres ; maintenant il obéit à sa passion intime : il travaille sur les matériaux de sa propre expérience.
Il lui restait en propre l’art avec lequel il avait su fondre ces éléments divers, en conservant la verve la plus franche, le trait le plus net et le style le plus vif qu’on eût jusqu’alors admirés sur la scène française. […] C’est là ce qui appartenait en propre à Molière, et c’est beaucoup, puisque c’est ce qu’il y a de plus vivant et pour ainsi dire de plus immortel. […] Il y a autre chose à remarquer dans ces petites pièces dont Molière, suivant ses propres expressions, régalait les provinces, et auxquelles il ne renonça pas en s’établissant à Paris. […] Molière déployait une verve endiablée dans ces jeux, qui, de son propre aveu, contribuèrent singulièrement à sa fortune. […] Molière a donc cette fois la véritable initiative, il aborde la critique des mœurs contemporaines, il y exerce son propre esprit d’observation, il est lui-même et doit fort peu aux autres.