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1605. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Pour vouloir être trop rare, Marivaux s’est perdu dans ses propres finesses. […] Viennent ensuite les valets, une Lisette, un Frontin, esprits prompts, fines langues, dont on se souviendrait si Gresset, au lieu de les appeler de noms génériques, leur eût donné des noms propres. […] Qu’on me demande de mon propre portrait s’il est ressemblant, fût-il d’un maître de l’art, fût-ce mon visage même gravé par la lumière sur le papier, il me faut le jugement d’autrui pour croire que c’est bien moi que je vois. […] Si Philinte n’existait pas, il naîtrait de l’exagération même d’Alceste, et tout près de lui, non pour le faire valoir, mais parce que c’est le propre des caractères excessifs d’engendrer leurs contrastes, ne fût-ce que par contradiction. […] Pour moi, je reconnais encore le premier Alceste à l’ardeur dont le second laisse ses propres affaires pour suivre celles d’un inconnu, et risque de se ruiner pour tirer son ami de la ruine.

1606. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Il n’eût pas convenu aux rivaux de Sophocle & d’Euripide, d’Aristophane & de Térence, de Juvénal & d’Horace, de se couronner de leurs propres mains, ni de donner à nos écrivains du second ordre la palme sur les anciens. […] Ils réussissoient quelquefois à procurer du débit à leurs propres sottises, en les attribuant aux Phidias, aux Praxitèle, aux Platon, aux Aristote. […] Il dit que le Grec avoit produit des effets singuliers dans la tête de cette dame ; qu’il y avoit dans sa personne un assemblage grotesque & plaisant des foiblesses de son sexe & de la férocité des enfants du Nord ; qu’il sied aussi mal aux femmes de se hérisser d’une certaine érudition, que de porter des moustaches  ; qu’une femme sçavante a quelque chose de trop hommasse , & conclud que madame Dacier étoit peu propre à faire naître une passion. […] Saint-Evremont avoit dit que le prince Troyen étoit plus propre à être fondateur d’un ordre de moines que d’un empire*. […] Une narration également vive & fleurie, des fictions très-ingénieuses, des caractères aussi bien imaginés que soutenus, & agréablement variés, firent le grand succès de cet ouvrage, dans lequel l’auteur décrit ingénument sa propre histoire, & une partie des aventures de son temps.

1607. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Comment je suis devenu poète I Rompons la monotonie de ces études nécessaires sur la littérature antique ou récente par un retour sur nos propres temps et sur nous-même. […] Je commençai à trouver du charme dans ces leçons, parce que j’y trouvais l’exercice de ma propre imagination et de mon propre discernement. […] Mais, tout en élaguant très prudemment du livre les parties romanesques ou passionnées trop propres à allumer ou à efféminer les passions précoces de leur jeunesse, ils le laissèrent circuler à demi-dose dans leurs collèges. […] Écoutez avec attention les pages que je vais vous lire ; recueillez bien vos impressions et vos jugements ; je vous interrogerai ensuite sur vos propres sentiments, et je vous donnerai pour sujet de composition demain l’analyse raisonnée de ces pages.

1608. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Piron, en faisant de la fureur poétique le sujet et le mobile de la pièce et d’une pièce en cinq actes, a beaucoup osé ; il a fait une comédie, pour ainsi dire, individuelle : la Métromanie ou le Poëte, c’est sa propre histoire idéalisée, embellie, c’est la Piromanie, comme l’appelait Voltaire. […] Mais il se rabattit à faire, après le maître, une des pièces les plus vives et les mieux venues dans ses propres données familières ; il se surpassa, et ne recommença plus. […] Sa tête était trop remplie de ses propres saillies et de ses jeux de mots pour y laisser entrer autre chose. […] Un jour, on parlait devant lui du maréchal de Belle-Isle, de son ambition sans bornes, de cette vanité propre aux Fouquet et de ce faste qui se mêlait à tout. […] Vieux, à propos de son buste qu’il avait envoyé à Dijon, il écrivait en plaisantant sur la différence de teint entre son propre visage et la copie en plâtre : « J’ai la face du roi de Cocagne, vive, fleurie et rubiconde.

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