Car autre chose est la différenciation sociale ; autre chose la « différence » intime et profonde entre individus : je veux dire la différence intellectuelle et sentimentale, la différence d’âmes. […] La diversité profonde des âmes lient à d’autres causes qu’à des causes sociales. La division du travail, avec sa spécialisation à outrance, avec sa canalisation des activités dans certaines directions, n’assure nullement aux individus une vie intérieure plus riche, plus intense, plus profonde, ni plus originale.
Le jeune abbé, invité par lui à ses dîners des mardis et des mercredis, y connut les savants du jour, les hommes de lettres de l’Académie des inscriptions, et quelques gens du monde qui se piquaient d’érudition et d’art ; il ressentit la première fois en leur présence quelque chose de ce même respect et de cette émotion qu’il avait prouvés à quinze ans en voyant d’abord M. de La Visclède : Ce profond respect pour les gens de lettres, dit-il, je le ressentais tellement dans ma jeunesse, que je retenais même les noms de ceux qui envoyaient des énigmes au Mercure. […] Cette jeune femme, sur laquelle tous les portraits s’accordent, était, dès l’âge le plus tendre, une perfection mignonne de bon sens, de prudence, de grâce et de gentillesse : Mme de Stainville, à peine âgée de dix-huit ans, nous dit l’abbé Barthélemy, jouissait de cette profonde vénération qu’on n’accorde communément qu’à un long exercice de vertus : tout en elle inspirait de l’intérêt, son âge, sa figure, la délicatesse de sa santé, la vivacité qui animait ses paroles et ses actions, le désir de plaire qu’il lui était facile de satisfaire, et dont elle rapportait le succès à un époux digne objet de sa tendresse et de son culte, cette extrême sensibilité qui la rendait heureuse ou malheureuse du bonheur ou du malheur des autres, enfin cette pureté d’âme qui ne lui permettait pas de soupçonner le mal. […] Il faut donc reconnaître, comme plus probable, que l’abbé Barthélemy était lié à Mme de Choiseul par un sentiment tendre, profond et pur, et qui, mêlé d’une nuance touchante, tenait avant tout de l’amitié29.
Si au contraire le plaisir et la douleur ont leur source profonde dans l’activité volontaire, tout pouvoir de modifier le cours des choses par notre activité ne nous sera pas enlevé d’avance. […] L’orage des idées n’est que la manifestation superficielle d’un orage plus profond, comme les éclairs visibles révèlent, dans les nuages, une lutte de forces invisibles. […] Les plaisirs mêmes de la vie organique produisent un sentiment de vitalité profonde qui, contrairement au préjugé, est déjà esthétique : aussi les sensations organiques sont-elles, pour l’artiste, un élément essentiel de la vraie et vivante beauté ; tout ce qui ne retentit pas jusqu’à cette profondeur n’est encore qu’un art de surface46.
Jamais les facultés de l’âme humaine, fouillée et enrichie par le creusement mystérieux des révolutions, n’ont été plus profondes et plus hautes. […] Le profond mot Nombre est à la base de la pensée de l’homme ; il est, pour notre intelligence, élément ; il signifie harmonie aussi bien que mathématique. […] Elle a la volonté, la précision, l’enthousiasme, l’attention profonde, la pénétration, la finesse, la force, la patience d’enchaînement, le guet permanent du phénomène, l’ardeur du progrès, et jusqu’à des accès de bravoure.