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491. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Au moral, il est permis de dire ce qui n’est pas vrai au physique : quand les creux d’une coquille sont très profonds, ces creux ont le pouvoir de reformer l’animal qui s’y était moulé. […] Leurs sermons, sur ce sujet, me faisaient une impression profonde qui a suffi à me rendre chaste durant toute ma jeunesse. […] Le prédicateur se gardait de le dire, et accentuait son effet par ces mots mystérieux : Tetigisse periisse, dits d’un ton profond et larmoyant. […]  » La pauvre fille se prit ainsi pour le vicaire d’un amour profond, qui occupa bientôt son être tout entier. […] L’amour est chez eux un sentiment tendre, profond, affectueux, bien plus qu’une passion.

492. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Mais, aussitôt que les hommes ne sont plus obsédés par la seule politique qui les sépare entre eux, aussitôt qu’ils commencent à de nouveau sentir en eux le besoin de la profonde et vraie musique, ils sont dans le chemin de regagner cette pure harmonie qui unit les peuples comme des hommes-frères, — cette harmonie que Beethoven célébrait dans le chœur final de la neuvième symphonie, et sur laquelle Wagner a érigé son drame de musique. […] mais il fut homme dans les limites du peuple juif ; car là il a trouvé l’être humain dans sa plus profonde misère et dans le désir le plus angoissé du salut. […] Cet amour est une démonstration morale affranchie de l’égoïsme sensuel ; elle prouve l’existence profonde d’une parenté entre des hommes frères. […] Et cette représentation devait être un drame, car dans un drame seulement peuvent vivre les idéals ; et ce drame devait naître de la musique, car la musique seule peut exprimer l’âme profonde de l’homme, de la nature, et le Divin. […] Hoffmann avec ses profonds écrits fantastiques l’influençait dans la composition de ses premières œuvres.

493. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

On peut regarder la chose comme démontrée par la physiologie contemporaine : l’impression renouvelée occupe les mêmes parties profondes du cerveau auxquelles aboutissait l’impression primitive, et elle s’y reproduit d’une manière analogue. […] parce que l’émotion s’accompagne de mouvements caractérisés, intenses et répandus dans tout l’organisme, puis dirigés et coordonnés par la volonté ; conséquemment l’émotion ouvre aux courants nerveux des voies nouvelles, profondes, qui s’étendent au loin et se relient à une grande quantité d’autres voies nerveuses. […] Enfin les perceptions comme telles sont surtout, à notre avis, la conscience de relations, de différences, de changements et de mouvements : conséquemment elles tiennent de la nature abstraite et superficielle des signes ou symboles ; les émotions, au contraire, sont des états généraux et profonds : elles sont donc autrement difficiles à reproduire qu’une simple esquisse de nature intellectuelle. […] Ribot, les facultés affectives s’éteignent bien plus lentement que les facultés intellectuelles72. » C’est qu’elles sont ce qu’il y a en nous de plus profond et de plus intime ; les états affectifs ont beau être vagues et indescriptibles pour l’intelligence, ils sont le fond dont l’intelligence réfléchie ne saisit que la forme. […] Ces hypermnésies sont causées tantôt par une circulation fébrile du sang, qui donne une activité anormale à certaines portions du cerveau ou à certains systèmes de réflexes, tantôt par une régression qui, ayant détruit les souvenirs plus récents, ramène à la lumière des couches profondes et oubliées : par exemple des impressions et passions de la jeunesse, des croyances anciennes auxquelles il semble qu’on revient par une sorte de conversion.

494. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Il y a un passage (dans le Voyage en Limousin) de La Fontaine où il parle de son sommeil « bigarré de rêves » et qui n’est jamais très profond. […] Il fallait que nos prédécesseurs eussent lu très superficiellement les auteurs du dix-septième siècle pour ne pas s’être aperçus que depuis Malherbe lui-même, et Racan, jusqu’à Fénelon, en passant par Théophile de Viau, par Cyrano, par Saint-Amand, par Voiture même, par La Fontaine, par Mme de Sévigné, et enfin j’arrive à Fénelon, la plupart, presque tous les auteurs du dix-septième siècle ont parlé de la nature avec un sentiment de la nature tout à fait vit, profond   avec un sentiment philosophique, métaphysique, symbolique, non, je le reconnais et je leur en fais mon compliment ; mais avec un sentiment de la nature tout à fait pénétrant et fort. […] Du lieu où nous regardions ces statues, on voit à droite une fort longue pelouse et ensuite quelques allées profondes, couvertes, agréables et où je me plairais extrêmement à avoir une aventure amoureuse ; en un mot de ces ennemies du jour tant célébrées par les poètes : à midi véritablement on y entrevoit quelque chose, Comme au soir, lorsque l’ombre arrive en un séjour, Ou lorsqu’il n’est plus nuit et n’est pas encor jour. […] Vous savez ce que Stendhal a dit bien joliment de nos auteurs classiques : s’ils n’ont pas eu le sentiment de la nature, il ne faut pas s’en étonner beaucoup parce qu’ils vivaient tous ou presque tous à Paris, et que les environs de Paris ne sont pas pour donner un sentiment très profond et très grandiose de la nature ; le sentiment d’une nature aimable, gracieuse, infiniment charmante même, oui, mais le sentiment du grand pittoresque, ils ne pouvaient le trouver autour d’eux. […] Tu favorises les méchants Par ton ombre épaisse et profonde.

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