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1278. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Taine l’aurait inventée qu’il n’y aurait pas de quoi en être bien fier ; car cette méthode est bornée comme le matérialisme, dont elle est le produit, par conséquent insuffisante… Elle consiste, en effet, à étudier une société comme un naturaliste étudie un animal. […] Mais ce que je sais, et ce qu’il est impossible de nier, c’est l’effet produit par ce livre sur l’opinion. […] Je viens de le dire, l’effet produit par le second volume des Origines de la France contemporaine, quand il parut, en 1878, fut foudroyant.

1279. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Il a résolu le problème d’art qui posait qu’il faut de certaines proportions pour produire des effets, thèse plus grossière que grandiose. […] Alphonse Daudet avait des liaisons littéraires dangereuses, qui devaient produire la camaraderie des idées… Dans son roman de Jack, il tendait, sans en avoir, je crois, le sentiment bien net, vers cette corruption du Réalisme contemporain, si tentant, non pour lui, mais pour les imaginations sans idéal et les talents sans invention et sans noblesse. […] Ces giroflées ont la vie plus dure que les murs sur lesquels elles ont poussé ; et cela, avec le vaste génie de Balzac, de ce chef de Dévorants qui a tout dévoré, même le temps qui a suivi sa mort, est une double raison pour qu’une Étude de mœurs parisiennes, à cette heure, quelque force de rendu qu’elle ait, ne produise pas sur l’imagination l’effet profond d’une œuvre dans laquelle ces mœurs seraient saisies et exprimées pour la première fois.

1280. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Rien de tel pour Bourdaloue : sa personne et tout ce qui touche l’homme, l’individu auteur ou orateur, a disparu dans la plénitude et l’excellence ordinaire de sa parole, ou plutôt il y est passé et s’y est produit tout entier. […] Aujourd’hui, le genre de talent de Bourdaloue nous semble bien loin de prêter à de telles vivacités de couleurs, et, pour mieux essayer d’y pénétrer, je dirai d’abord l’effet assez général que cette éloquence produit à la lecture, et par quel effort, par quelle application du cœur et de l’esprit il est besoin de passer pour revenir et s’élever à la juste idée qu’il convient d’avoir de sa grandeur, de sa sobre beauté et de sa moralité profonde.

1281. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

« C’est dans les plus beaux fruits, dit saint Augustin, que les vers se forment, et c’est aux plus excellentes vertus que l’orgueil a coutume de s’attacher. » Bourdaloue partait de là pour montrer que, si la sévérité évangélique est le fruit le plus exquis et le plus divin que le christianisme ait produit dans le monde, « c’est aussi, il le faut confesser, le plus exposé à cette corruption de l’amour-propre, à cette tentation délicate de la propre estime, qui fait qu’après s’être préservé de tout le reste, on a tant de peine à se préserver de soi-même ». […] Ainsi, dans le sermon Sur l’hypocrisie, on a le Tartuffe de Molière blâmé et dénoncé au point de vue de la chaire ; dans le sermon de L’Impureté, l’un des plus riches et des plus complets pour la science morale, sermon qui choqua et souleva une partie de la Cour, je ne répondrais pas qu’à un certain endroit il ne fût question des Contes de La Fontaine69 ; il y est certainement question des scandales que produisit l’affaire dite des poisons, où tant de personnes considérables furent impliquées (1680).

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