Ils avaient fait ce quon appelait sous l’Empire de bonnes études ; ils étaient gens du monde, quelques-uns militaires, pressés d’ailleurs de produire, et dignes de se perfectionner par l’étude sans en avoir les loisirs ni les instruments ; mais ils avaient une certain flamme au cœur et une ardeur d’idéal qui ne s’est pas encore éteinte chez tous, et qui fait l’honneur de ces générations rapides dont les individus isolés se survivent ; il y avait eu je ne sais quel astre ou quel météore qui les avait touchés en naissant. […] Il marque nettement chez nous l’époque et l’avènement de la Renaissance, et en est le produit direct en français : elle avait retardé jusque-là, elle fit irruption avec lui.
Je ne suis pas de ceux qui, par une estime exagérée, mettent les pièces et les matériaux au-dessus de l’œuvre définitive ; mais comme les monuments historiques vraiment dignes de ce nom sont rares, comme ils se font longtemps attendre, et comme d’ailleurs ils ne sont possibles et durables qu’à la condition de combiner et de fondre dans leur ciment toutes les matières premières, de longue main produites et préparées, il n’est pas mauvais que celles-ci se produisent auparavant et soient mises en pleine lumière ; ceux qui aiment à réfléchir peuvent, en les parcourant, s’y tailler çà et là des chapitres d’histoire provisoire à leur usage ; ce ne sont pas les moins instructifs et les moins vrais.
On voit très bien, dans la Correspondance de Goethe et de Schiller, l’effet qu’elle produisit sur ce monde allemand qu’elle allait découvrir avec une curiosité infinie et une admiration préconçue, mais qui ne l’accepta, elle, qu’avec de certaines réserves et presque à son corps défendant. […] Or, le maître et l’oracle en telle matière l’a observé, « le genre de bien-être que fait éprouver une conversation animée ne consiste pas précisément dans le sujet de cette conversation ; les idées ni les connaissances qu’on peut y développer n’en sont pas le principal intérêt ; c’est une certaine manière d’agir les uns sur les autres, de se faire plaisir réciproquement et avec rapidité, de parler aussitôt qu’on pense, de jouir à l’instant de soi-même, d’être applaudi sans travail, de manifester son esprit dans toutes les nuances par l’accent, le geste, le regard ; enfin, de produire à volonté comme une sorte d’électricité qui fait jaillir des étincelles, soulage les uns de l’excès même de leur vivacité, et réveille les autres d’une apathie pénible ».
Cet investigateur curieux et fin, et qui de plus est, je le crois, docteur en médecine, n’a pu résister au désir de produire un Journal aussi instructif en son genre que celui dont la Bibliothèque de Versailles avait une copie ; mais il a bien entendu être sérieux, rester historique, ne pas nuire à la mémoire d’un roi glorieux et national. […] Daremberg, dans un article des Débats sur le Journal de la santé de Louis XIV (6 décembre 1862), a exprimé la conviction que ce vertige auquel était sujet le grand roi n’avait de rapport ni avec l’apoplexie ni avec aucune menace d’épilepsie, mais que c’était purement et simplement un vertige stomacal, c’est-à-dire tenant aux surcharges de l’estomac, un vertige nerveux analogue à celui que produit le mouvement d’un bateau sur mer, le tournoiement de la valse, etc, ; en un mot, un malaise plus incommode que menaçant.