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104. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

C’est dommage que ce ne soit un de nos petits Messieurs (sans doute les jeunes princes de Vendôme) qui fût en état de faire son apprentissage sous le grand Sobieski et cette campagne à ma place. […] Pour réparer son échec de Pologne, il prend le parti de s’attacher entièrement aux jeunes princes de Vendôme, et s’insinue si bien par son esprit, qu’il devient le maître absolu de leurs affaires, l’intendant et l’arbitre de leurs plaisirs. Ces jeunes princes, qui avaient en eux le sang de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, en combinaient les qualités et les vices au plus haut degré. […] Il accompagne le duc de Vendôme dans son gouvernement de Provence ; il assiste à toutes les fêtes et aux galas monstrueux que la province se fait honneur d’offrir au prince. […] On a peine à se figurer à présent ce qu’étaient alors ces existences prodigieuses de princes bâtards tels que les Vendôme ; c’étaient de véritables monstruosités sociales, au sein desquelles se logeaient toutes les formes de licence et d’abus, et cet autre abus, cette dernière monstruosité entre toutes les autres, l’abbé courtisan et parasite.

105. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

On devina mieux pour le reste : on dit qu’il aimerait la chasse passionnément ; que les princes, ses parents et ses voisins, auraient beaucoup d’envie et de jalousie contre lui, qu’ils lui susciteraient de fâcheuses affaires, qu’ils lui feraient la guerre ; qu’il serait plus heureux dans sa vieillesse que dans sa jeunesse, etc. […] Après avoir raconté la mort de Louis XI, le judicieux abbé disait : « Telle fut la fin de ce prince. […] J’ai eu la liberté d’entrer dans les différents dépôts du ministère, et j’en ai fait usage longtemps avant d’écrire… Les Mémoires du duc de Saint-Simon m’ont été utiles pour le matériel des faits dont il était instruit ; mais sa manie ducale, son emportement contre les princes légitimés, etc. […] A-t-il à parler, par exemple, de Monseigneur, fils unique de Louis XIV, et de sa maîtresse, Mlle Choin, que ce prince avait peut-être épousée en secret, Duclos copie, abrège et ne fait qu’adoucir Saint-Simon. […] Duclos raconte et emprunte tout ce détail ; il fait dire au prince en sanglotant : « J’étais cadet, j’avais autant de dispositions que mes aînés ; on a eu peur de moi ; on ne m’a appris qu’à chasser ; on n’a cherché qu’à m’abrutir… » Ici j’arrête Duclos : il fallait mieux copier et laisser le mot abêtir, qui n’a pas tout à fait le sens d’abrutir.

106. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

» La Bruyère présageait et voyait déjà quelque chose de ce changement profond qui a éclaté depuis, quand il disait : Pendant que les grands négligent de rien connaître, je ne dis pas seulement aux intérêts des princes et aux affaires publiques, mais à leurs propres affaires ; qu’ils ignorent l’économie et la science d’un père de famille, et qu’ils se louent eux-mêmes de cette ignorance…, des citoyens s’instruisent du dedans et du dehors d’un royaume, étudient le gouvernement, deviennent fins et politiques, savent le fort et le faible de tout un État, songent à se mieux placer, se placent, s’élèvent, deviennent puissants, soulagent le prince d’une partie des soins publics. […] La Bruyère, par politesse, disait là des grands ce qu’il n’eût osé dire des princes eux-mêmes. […] Ce petit prince, élevé tendrement par Mme de Maintenon, qui était comme sa vraie mère, avait été formé sur l’idéal de la fondatrice de Saint-Cyr. […] L’abbé Genest était auprès des princes ce qu’ils ont aimé de tout temps (même du nôtre), un mélange du poète et du bouffon. […] On sait que la faiblesse de Louis XIV, obsédée par celle de Mme de Maintenon, cette nourrice plus que mère du duc du Maine, alla vers la fin jusqu’à égaler en tout les bâtards aux princes du sang légitimes, à les déclarer en définitive habiles à succéder au trône, et sa dernière volonté, si elle avait été suivie, ménageait au duc du Maine le rôle le plus influent dans la future Régence.

107. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

« Ce bon prince m’écouta avec beaucoup d’attention, et me répondit par des paroles bienveillantes et dignes de lui. […] Ce prince avait oublié son visage : Qui êtes-vous ? […] Je suis venu d’Italie en France, lui répondis-je, pour servir votre grand prince, et je n’ai pas peur de mourir, parce que tôt ou tard il faut le faire. […] Mon ami, dit-il à Cellini en lui frappant sur l’épaule, je ne sais qui est le plus heureux, ou du prince qui trouve un homme, ou de l’homme qui trouve un prince !  […] À cela j’avais répondu d’une manière trop hardie envers un prince comme lui, en lui disant : Comment ferez-vous estimer ma statue, puisqu’il n’y a personne à Florence qui soit capable de la faire ?

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