Joubert en doit prendre sa part. […] Mais, pour ne pas trop prêter notre idée générale, et, comme on dit aujourd’hui, notre formule, à celui qui a été surtout plein de liberté et de vie, prenons l’homme d’un peu plus près et suivons-le dans ses caprices mêmes ; car nul ne fut moins régulier, plus hardi d’élan et plus excentrique de rayons, que cet excellent homme de goût. […] C’est là que je résiderai quand je voudrai prendre mon vol ; et lorsque j’en redescendrai, pour converser avec les hommes pied à pied et de gré à gré, je ne prendrai jamais la peine de savoir ce que je dirai ; comme je fais en ce moment où je vous souhaite le bonjour. » Il y a sans doute quelque chose de fantasque, d’un peu bizarre si l’on veut, dans tout cela : M. […] Joubert est un esprit délicat avec des pointes fréquentes vers le sublime ; car, selon lui, « les esprits délicats sont tous des esprits nés sublimes, qui n’ont pas pu prendre l’essor, parce que, ou des organes trop faibles, ou une santé trop variée, ou de trop molles habitudes, ont retenu leurs élans. » Charmante et consolante explication ! […] Les idées religieuses prenaient sur cet esprit élevé plus d’empire de jour en jour.
Quand la distance du matin au soir me paraissait trop longue, je prenais involontairement la plume et je lui écrivais ce que je n’aurais peut-être pas pu lui dire assez librement pendant la soirée suivante, afin que rien ne fût perdu de ce que la tendresse nous suggérait. […] Je les gardai longtemps avec les siennes comme deux reliques qui ne formaient qu’un seul être, et un jour que je me sentis près de mourir moi-même, je pris mon grand courage et je brûlai ces deux rouleaux, qui formaient deux volumes, pour que les deux cendres ne restassent pas après nous sur cette terre, mais que nous les retrouvassions au ciel où elles allaient avant nous. […] Quel ascendant un pareil livre ne devait-il pas prendre au premier pas sur un monde renversé, bouleversé, dépouillé, égorgé, qui ne savait plus que croire, que sentir, que dire, et qui attendait une voix d’en haut pour reprendre haleine ? […] Les principales parties du récit prennent une dénomination, comme les Chasseurs, les Laboureurs, etc ; c’était ainsi que, dans les premiers siècles de la Grèce, les Rhapsodes chantaient sous divers titres les fragments de l’Iliade et del’Odyssée. […] Il se trouve toujours sur son chemin, à son entrée, quelques hommes de bon esprit d’ailleurs et de sens, mais d’un esprit difficile, négatif, qui le prennent par ses défauts, qui essayent de se mesurer avec lui avec toutes sortes de raisons dont quelques unes peuvent être fort bonnes et même solides.
Auparavant, il parlera à Tebaldo, son homme de confiance, et, suivant son conseil, il prendra un parti. […] Zucca survient et plaisante messer Tebaldo de ce qu’il est devenu tailleur et de ce qu’il prend la mesure des vêtements. […] Fabio lui répond qu’il ne fait que se conformer à ses avis, qu’il prend des précautions contre les ennemis qui le menacent. […] la carogne, soupirait-il, elle m’a pris par mon faible. […] Ils confirment, dans une certaine mesure, ce qu’on sait de la faculté d’improvisation que possédait Molière et du plaisir qu’il prenait à l’exercer.
Dans notre maniere d’être actuelle, notre ame goûte trois sortes de plaisirs ; il y en a qu’elle tire du fond de son existence même, d’autres qui résultent de son union avec le corps, d’autres enfin qui sont fondés sur les plis & les préjugés que de certaines institutions, de certains usages, de certaines habitudes lui ont fait prendre. […] C’est pour cela que dans la Peinture nous aimons mieux un paysage que le plan du plus beau jardin du monde ; c’est que la Peinture ne prend la nature que là où elle est belle, là où la vûe se peut porter au loin & dans toute son étendue, là où elle est variée, là où elle peut être vûe avec plaisir. […] Ainsi tout nous fatigue à la longue, & sur-tout les grands plaisirs : on les quitte toûjours avec la même satisfaction qu’on les a pris ; car les fibres qui en ont été les organes ont besoin de repos ; il faut en employer d’autres plus propres à nous servir, & distribuer pour ainsi dire le travail. […] Rien ne nous plaît tant dans une parure, que lorsqu’elle est dans cette négligence, ou même dans ce desordre qui nous cachent tous les soins que la propreté n’a pas exigés, & que la seule vanité auroit fait prendre ; & l’on n’a jamais de graces dans l’esprit que lorsque ce que l’on dit paroît trouvé, & non pas recherché. […] L’exacte proportion de la fameuse église de Saint Pierre, fait qu’elle ne paroît pas d’abord aussi grande qu’elle l’est ; car nous ne savons d’abord où nous prendre pour juger de sa grandeur.