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578. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Son fils prétend qu’il était libéral ; peut-être ? […] Il a prétendu en mourant qu’il allait refaire, avec ses débris, la monarchie, et, quand il a voulu seulement s’emparer du ministère, il en a été écarté par ses rivaux comme un enfant. » Cela était vrai de Mirabeau vicieux, factieux et populaire ; mais combien faux de Mirabeau philosophe, orateur et législateur, quand il avait dépouillé ses vices avec son habit de tribun ! […] De ce jour data, pour M. de Maistre, réprimandé et mal pardonné, une défiance et un éloignement de sa cour à son égard qui ne lui permirent jamais de monter jusqu’où son génie pouvait prétendre en Piémont. […] Le jour où le roi de Piémont Charles-Albert laissa transpirer seulement l’ambition de changer la couronne de Sardaigne contre la couronne d’Italie, Milan bondit sous ses pieds contre Turin, et les peuples de la Lombardie désavouèrent leur prétendu libérateur piémontais.

579. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

La médiocrité et le goût barbare des constructions ; la ridicule et mesquine magnificence du petit nombre de maisons qui prétendent au titre de palais ; la saleté et le gothique des églises ; l’architecture vandale des théâtres de cette époque, et tant, tant, tant d’objets déplaisants qui, tous les jours, passaient devant mes yeux, sans compter le plus amer de tous, ces visages plâtrés de femmes si laides et si sottement attifées ; tout cela n’était pas assez racheté à mes yeux par le grand nombre et la beauté des jardins, l’éclat et l’élégance des promenades où se portait le beau monde, le goût, la richesse et la foule innombrable des équipages, la sublime façade du Louvre, la multitude des spectacles, bons pour la plupart, et toutes les choses du même genre. […] Enfin il y avait le toscan, la vieille langue étrusque de Machiavel, de Michel-Ange, de Dante, rugueuse, nerveuse, un peu sauvage, un peu latine, brève, forte, concentrant en peu de mots un grand sens, telle que Dante l’a chantée, telle que Machiavel l’a écrite, langue faite pour des héros, des poètes, des philosophes, et qui ne s’entend bien qu’à Florence, entre les deux rives de l’Arno et à Pistoia, langue locale s’il en fut jamais, héritière d’un peuple qui n’a point d’héritage sur la terre, langue de puritains et de pédants, qui prétendent avec raison être à eux seuls l’Italie classique… C’est celle-là qu’Alfieri choisit. […] X Mais ce n’était pas tout encore : il fallait dépayser non-seulement son prétendu génie, mais sa fortune toute féodale et toute territoriale à Asti. […] En 1772, il n’y avait plus à Rome de roi d’Angleterre reconnu par le Saint-Siège, il n’y avait plus de garde papale à la porte de son hôtel, plus de cortège militaire pour l’escorter par la ville ; le prétendu Charles III était simplement Charles Stuart, ou bien encore le comte d’Albany, comme il se nommait lui-même dans ses voyages.

580. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Elle y est même plus riche que dans les écrits en prose, parce que la satire touche à plus de choses que les récits, et qu’elle y prend toutes les nuances, depuis la colère sérieuse qui prétend corriger ce qu’elle attaque, jusqu’à cette indifférence aimable qui ne veut rien corriger, et pour qui les abus mêmes ne sont que des maux nécessaires avec lesquels il faut savoir vivre. […] Les premiers demandent grâce pour sa jeunesse, pour son érudition, « telle, disent-ils, qu’il n’est personne qui puisse lui être comparé dans la langue française. » Quelques-uns prétendent qu’on se trompe sur ses intentions ; que, sous cette prétendue licence de langage, se cache un profond esprit de pénitence ; d’autres l’approuvent énergiquement d’avoir dit la vérité à tout le monde, nobles, gens d’Église, peuple. […] A moins donc de prétendre que la Renaissance n’a été pour les modernes qu’une confiscation du génie national, et qu’il eût été plus glorieux que, séparée du passé, enfermée dans son, territoire chaque nation recommençât pour ainsi dire tout l’esprit humain, comment ne vouloir pas qu’un poème qui rattachait par quelques fils, même grossiers, le génie français au génie antique, ait plus mérité de vivre que tant d’écrits oubliés par la France, pour n’avoir su que l’amuser ? […] La poésie ne veut plus être une profession ambulante et foraine, comme celle du joueur de luth ; elle prétend exprimer les besoins, les passions et les intérêts du genre humain.

581. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

S’est-il du moins autorisé de quelques relations de voyageurs qui auraient trouvé ou inventé soit un individu isolé, soit quelques petits groupes vivant dans ce prétendu état d’innocence, antérieur aux sociétés ? […] Et quant à nous, qui n’avons ni la folie de nous tant idolâtrer, ni sujet de nous tant mépriser, si nous ne prétendons pas nous élever si haut, nous prétendons bien ne pas tomber si bas. […] Il n’y a qu’une réflexion à faire sur le prétendu bon exemple donné par les Confessions.

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