Le mesme destin veut que vous soiés l’une et l’autre, ne m’estant pas possible de séparer l’amour de l’amitié, et des désirs ardens d’une tendresse de père ; et tranquile, conformés vous au destin, et ne séparés pas ce qu’il semble que le Ciel ayt prit plaisir de joindre. […] Très-lié avec Montesquieu, il écrivait de lui avec une effusion dont on ne croirait pas qu’un si grave génie pût être l’objet, et qui de loin devient le plus piquant comme le plus touchant des éloges : « Je vous félicite, madame, du plaisir que vous avez de revoir M. de Formont et M. de Montesquieu ; vous avez sans doute beaucoup de part à leur retour, car je sais l’attachement que le premier a pour vous, et l’autre m’a souvent dit avec sa naïveté et sa sincérité ordinaire : « J’aime cette femme de tout mon cœur ; elle me plaît, elle me divertit ; il n’est pas possible de s’ennuyer un moment avec elle. » S’il vous aime donc, madame, si vous le divertissez, il y a apparence qu’il vous divertit aussi, et que vous l’aimez et le voyez souvent. […] « Monsieur, « J’avois résolu de me raporter au récit qui vous seroit fait par M. le comte de Rassa que j’envoye en France, de la manière indigne dont j’ay été traité pendant ma maladie et ma prison, mais comme il s’agit de la suspression des actes injurieux à ma personne et au caractère dont j’ay l’honneur d’estre revêtu, vous me permettrés, monsieur, de vous informer le plus succinctement qu’il me sera possible de tout ce qui s’est passé dans cette malheureuse occasion. […] Faites-la-moi voir d’ici tout entière, s’il est possible : je ne veux point d’échantillon.
Ce n’étaient pas des rivaux possibles, c’étaient des complices assurés. […] L’armée d’Allemagne, sous Moreau, accrue le plus possible, devait faire sur tous les bords du Rhin, de Strasbourg à Bâle, de Bâle à Constance, des démonstrations trompeuses de passage, puis marcher rapidement derrière le rideau que forme ce fleuve, le remonter jusqu’à Schaffhouse, jeter là quatre ponts à la fois, déboucher en masse sur le flanc du maréchal de Kray, le surprendre, le pousser en désordre sur le haut Danube, le gagner de vitesse s’il était possible, le couper de la route de Vienne, l’envelopper peut-être, et lui faire subir l’un de ces désastres mémorables dont il y a eu dans ce siècle plus d’un exemple. […] On se rangea tumultueusement autour de Kléber, et on répéta tout haut avec lui ce qui, du reste, commençait à être dans toutes les âmes, que la conquête de l’Égypte était une entreprise insensée à laquelle il fallait renoncer le plus tôt possible.
La philosophie chrétienne, le christianisme français, la mesure de perfection possible à l’homme, tout cela peut intéresser ceux même que ne touche point le dogme. […] c’est que les peuples ont plus de faible pour ceux qui les séduisent que pour leurs vrais amis, pour ceux qui les leurrent d’un bonheur imaginaire par les caprices du sens propre, que pour ceux qui leur proposent un bonheur possible par la raison. […] Cet examen embrasse tous les actes quelconques et toutes les pensées possibles d’un roi. […] Si nous ne sommes point touchés, comme Bossuet, du manque de convenance canonique du Télémaque, il n’est guère possible de n’y pas sentir par moments une sorte de manque de convenance littéraire.
. — Par la même raison, la parole intérieure n’est plus alors ni concise ni personnelle : étant comme un discours adressé à autrui, elle se fait prolixe et, autant que possible, impersonnelle, afin d’être clairement entendue et d’entraîner la conviction. […] Si quelque illusion est ici possible, c’est l’illusion inverse de l’hallucination : il croira peut-être encore parler en lui-même, quand sa parole, devenue extérieure, trahit son secret à son insu. […] Nous croyons en conséquence que le veto divin, sous sa forme la plus ordinaire, n’était autre chose qu’un sentiment vif et inexpliqué d’éloignement que Socrate éprouvait subitement pour l’action qu’il se préparait à faire ou pour les paroles qu’il allait prononcer ; alors le nom véritable du phénomène était l’empêchement divin, […] ; mais est-il possible qu’il se produisit toujours sans être jamais exprimé intérieurement, ne fût-ce que par un monosyllabe comme notre mot non ? […] Mais, si cette transition d’un sens à un autre a été possible, c’est grâce à l’apparition intermittente dans la succession psychique de paroles intérieures particulièrement vives ; ce fait, vaguement aperçu par certains hommes, et désigné plus ou moins nettement dans leur langage, ne parut point étrange à leurs interlocuteurs ; ils reconnurent un phénomène qui leur était familier ; l’allusion étant comprise, elle s’acclimata dans la langue commune jusqu’à devenir une métaphore presque banale.