Nodier, fureteur et voyageur, est épris de sentimentalité, de fantastique, d’exotisme, possédé du besoin de romancer l’histoire et d’y machiner des dessous ténébreux ou singuliers ; avec lui, Emile et Antony Deschamps721, Vigny, Soumet, Chênedollé, Jules Lefèvre, forment le premier Cénacle722. […] Il démolissait les lois du goût, les règles des genres, leur division surtout et leur convention, tout ce qui s’opposait à la libre et complète représentation de la nature, saisie eu ce que chaque être possède de caractéristique, beau ou laid, il n’importe.
Enfin, un jour, il fut plus heureux, et il écrivit aussitôt l’espèce d’allocution et de prière où il s’empressa de l’encadrer ; car, chez Anselme, c’est toujours la prière qui précède et qui suit les opérations de la science ; chez lui, ce n’est pas la raison qui cherche la foi, c’est la foi fervente et sincère qui cherche simplement les moyens de se comprendre et, pour ainsi dire, de se posséder par le plus de côtés possible ; c’est la foi, comme il le définit excellemment, qui cherche l’intelligence d’elle-même. […] Ainsi, au moment d’aller rejoindre Dieu selon sa ferme croyance, et de posséder le pur esprit à sa source, Anselme regrettait de manquer une dernière découverte intellectuelle, et de ne pas résoudre par lui-même un dernier problème sur les choses de l’esprit.
Il avance qu’elle ne doit point avoir lieu dans un siècle où l’ignorance est si profonde en matière de religion, qu’à peine les gens du monde en possèdent-ils les premiers élémens. […] Il l’a possédée au plus haut dégré.
Nous ne saurions trop exhorter quelque littérateur habile à l’entreprendre ; mais ce littérateur devrait posséder deux qualités dont la réunion est assez rare, être profondément versé dans la lecture des anciens, et en même temps être dégagé de toute superstition en leur faveur. […] Préjugé de traducteur à part, comme il est sans comparaison le plus grand historien de l’antiquité, il est aussi celui dont il y a le plus à recueillir ; mais ce que j’offre aujourd’hui suffira, ce me semble, pour faire connaître les différents genres de beautés dont on trouve le modèle dans cet auteur incomparable, qui a peint les hommes avec tant d’énergie, de finesse et de vérité, les événements touchants d’une manière si pathétique, la vertu avec tant de sentiment ; qui posséda dans un si haut degré la véritable éloquence, le talent de dire simplement de grandes choses, et qu’on doit regarder comme un des meilleurs maîtres de morale, par la triste, mais utile connaissance des hommes, qu’on peut acquérir par la lecture de ses ouvrages.