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1058. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Ses conversations ne peuvent que préparer des instants et jamais les relier. « Il est l’image parfaite de l’inanité de posséder. » Cette cristallisation amoureuse dans le temps ne nous révèle-t-elle pas un parallélisme avec la cristallisation artistique ?

1059. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Barrillot, un poète-ouvrier, qui n’équarrit ni ne rabote ses vers à la façon de tant de ses devanciers, justement oubliés aujourd’hui ; — mais qui les note d’une plume frémissante toute possédée du démon de l’inspiration. […] Il. n’appartient qu’au vrai talent d’entrer si carrément dans la peau de ses personnages, et je connais peu d’écrivains de qui l’on puisse dire, à la lecture d’une histoire de vol ou de meurtre : — Cet homme est un assassin, ou cet homme est un voleur. — Le génie seul m’avait semblé jusqu’ici posséder le privilège de ces miracles d’illusion ; j’avoue, par exemple, qu’au récit des forfaits de Richard III, je me demandai souvent avec terreur si l’âme de Glocester n’habitait pas la poitrine du poète. […] À ce compte, notre actrice possède un talent prodigieux, surtout dans les bras. […] Mais, comme il possède, en somme, — ce revenant littéraire, ce bel-esprit, moitié mousquetaire et moitié abbé, — une très haute et très sagace intelligence, il ne dépend pas de lui d’échapper à la compréhension absolue du présent, pour murer sa pensée dans le culte exclusif d’un passé évanoui ; sans avoir rien oublié, il a appris quelque chose. […] Ils s’expriment en général avec beaucoup de tact et de mesure ; mais à force de puérilité et, grâce à l’importance risible qu’ils s’attribuent, ils finissent par devenir vulgaires. — Car l’auteur possède le merveilleux secret d’être banal avec distinction et terre à terre avec élégance.

1060. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Le critique de la Revue des deux Mondes est, à tout prendre, un écrivain de talent il possède surtout ce genre de talent anguleux et sans charmes qui s’ajuste comme une porte dans une charnière, au ton général et à la règle commune de l’établissement scolastique de la rue Saint-Benoît. […] … Je répéterai que Mlle Cruvelli possède tout… rien ne lui manque ; elle peut tout obtenir de son talent. […] Paris regorge de musiciens profonds, savants, élégiaques et spirituels : il n’avait pas un seul compositeur bouffe : il en possède un aujourd’hui, et la denrée est assez rare, — puisque l’Italie n’en fournit plus, — pour qu’il doive sincèrement s’en réjouir. […] On ne remue pas, sans le don rare d’éminentes facultés, les intelligences délicates, blasées, et les hommes sans culture, — les artistes et le peuple : or, Darcier possède ce double secret ; j’ajouterai même que, de tous les chanteurs que je connaisse, il est celui dont la voix sait rencontrer de ces accents pénétrants et voilés, tout-puissants sur l’oreille et le cœur des femmes. […] Ce feuilletoniste, rendant compte de la représentation donnée au bénéfice de la Ristori, a risqué cette métaphore humide : « Les larmes et les bouquets pleuvaient de toutes parts. » Mais ceci n’est qu’un manque de goût, et le goût ne s’apprend point ; tandis que les règles élémentaires de la syntaxe étant une affaire d’application médiocre, à la portée des intelligences les moins exercées, avec l’étude et le temps, il ne faut pas désespérer d’en posséder le mécanisme fort simple.

1061. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Guizot l’a fait, c’est qu’il possède un autre talent. […] je voudrais, je crois, posséder un ami plutôt que le trésor de Darius, plutôt que Darius lui-même, tant je suis désireux d’amitié. […] Les grands possèdent la ville comme la campagne ; ils exploitent l’industrie comme l’agriculture ; ils ont pour ouvriers des esclaves, comme ils ont des esclaves pour laboureurs. […] Chaque grande famille possède, exploite et loue des tisserands, des ciseleurs, des brodeurs, des peintres, des architectes, des médecins, des précepteurs, qui lui appartiennent. […] Le tribun Philippe déclare un jour qu’il n’y a pas dans l’État deux mille citoyens qui possèdent.

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