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555. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Après le vigoureux élan des humanistes pour s’élever à la hauteur des œuvres anciennes, après les convulsions politiques et religieuses qui ont remué les âmes jusqu’au fond, la littérature, comme la France, se repose. […] L’édifice social, politique, religieux, moral est reconstruit ; chacun s’y loge à sa place pour travailler dans sa sphère. […] On fleurit encore ses discours de souvenirs ; François de Sales met de l’histoire naturelle dans la théologie, et Montchrestien de la mythologie dans l’économie politique. […] Un esprit sérieux, pratique, sensé, bourgeois, a pris possession de la littérature, et, comme dans l’ordre politique et religieux, il ne rêve plus de subversions ni de reconstructions totales. […] Petit de Julleville, Paris, Plon, 1891 (Bibl. elzév.) ; Traité de l’économie politique, Rouen, in-4, s. d. (1615) ; réimprimé par Funck Brentano, Paris, Plon, 1889. — A consulter : éd.

556. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Né sans ambition de fortune, il se trouva placé à un rang qui pouvait sembler médiocre entre les rangs élevés, mais qui n’en était que plus propre à son rôle d’observateur politique. […] Je ne blâme point cet hommage rendu, en tout cas, à l’élévation et à l’idéalisation de la nature humaine ; mais je ne puis m’empêcher de remarquer que c’est prendre et accepter les idées de justice et de religion plutôt par le côté politique et social que virtuellement et en elles-mêmes13. […] Il a des idées, mais il n’a pas, on l’a remarqué, de sentiments politiques. […] Il paraît n’être pas éloigné lui-même de croire à une révolution prochaine ; mais on sait comment les mœurs politiques, très abaissées au temps de Robert Walpole, se relevèrent patriotiquement et se retrempèrent avec Chatham. […] Les hommes n’y sont vus que de loin ; l’étoffe humaine, dont la politique est faite, disparaît trop chez Montesquieu.

557. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

S’il avait eu à s’expliquer sur la méthode historique qui y avait présidé, il aurait élevé quelques objections : Je n’aime pas, dit-il à propos de je ne sais quel livre de considérations politiques, je n’aime pas trop ces ébauches de théories politiques a priori, quoique l’autorité du président de Montesquieu, qui les affectionnait particulièrement, soit en leur faveur. Il me semble toujours que, si l’auteur qui procède par cette méthode n’avait pas connaissance des événements historiques a posteriori, les principes dont il prétend les déduire ne lui en feraient pas deviner un seul ; preuve évidente que ces principes sont faits à la main et après coup, qu’ils sont plus ingénieux que solides, et qu’ils ne sont pas les véritables ressorts du jeu qu’on leur attribue… En fait de politique, rien n’arrive deux fois de la même manière. La politique de Grimm est triste, sceptique, ou volontiers négative comme sa philosophie. […] Pénétré de la difficulté de l’invention sociale en tant qu’elle s’élève au-dessus d’une certaine agrégation première toute naturelle et grossière, et qu’elle arrive à la civilisation véritable, il ne la conçoit possible que grâce à de merveilleuses passions en quelques-uns et à une héroïque puissance de génie : « Il faut, pense-t-il, que les premiers législateurs des sociétés, même les plus imparfaites, aient été des hommes surnaturels ou des demi-dieux. » Grimm, en politique, se rapproche donc beaucoup plus de Machiavel que de Montesquieu, lequel accorde davantage au génie de l’humanité même. […] Nous savons déjà quelle était sa politique.

558. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Il fut tour à tour, ou tout à la fois, en Italie, un homme de guerre, de politique, d’administration. […] Il couvrit parfois de sa parole la magnifique politique du grand homme profond qui était en train de faire une France monarchique avec les pièces et les morceaux de la féodalité. […] De bouillant devenu pacifique, il rapporta, comme une consolation, de ses guerres de Sicile, un goût plus vif pour les lettres et les arts qu’il avait cultivés toute sa vie, au milieu de la politique et des armes. […] Il a vu surtout dans René l’homme politique, le guerrier et le roi.

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