Le monde, dit-il dans la Métaphysique, n’est pas comme un mauvais poème dont les épisodes soient sans liens entre eux.
En arrivant à Aix, je n’étais au fond qu’un bon scolar, un faux libre esprit d’école normale et de collège, qui, après avoir traîné si longtemps la chaîne des examens à préparer et des concours à subir, ne croyais arriver à l’affranchissement qu’en m’imprégnant de modernité, plus nourri de Lessing, de Schlegel, de Gervinus, que de Boileau, de Fénelon, d’Horace et d’Aristote, à cheval sur la distinction fondamentale de Herder entre la « poésie naïve » et la « poésie artificielle », et qui aurais soutenu mordicus devant les quatre facultés précédées de leur recteur que le Divan ou le poème d’Adonis, voilà la poésie naïve et spontanée et que Bérénice, les églogues de Segrais ou les élégies de Parny, voilà la poésie artificielle. […] La seconde des deux règles que nous proposons ici n’est point une découverte ; nous avons tous appris de Boileau, sans nous en souvenir assez quand nous jugeons les poètes en général et Boileau en particulier, qu’il y a des sonnets qui valent de longs poèmes. […] Lélia et Indiana, écrits dans un accès de lièvre, Valentine et André, ces deux poèmes des irrémédiables faiblesses, la dernière Aldini, le Secrétaire intime et surtout Mauprat, son chef-d’œuvre, où, tantôt parmi les aventures romanesques, tantôt parmi les peintures ingénues du cœur, respirent les émotions viriles, ne forment-ils pas autant de groupes distincts ?
Clément, dans la plupart des éditions des « Œuvres » de saint Bonaventure et dans un grand nombre de manuscrits du moyen âge, un poème intitulé Philomen a : le poème intitulé Philomena est de saint Bonaventure, et « on y recueille de précieuses notes sur l’âme même » de ce saint homme80. […] On examine d’abord l’écriture du document : saint Bonaventure est né en 1221 ; si des poèmes attribués à saint Bonaventure se lisent dans des manuscrits exécutés au XIe siècle, ce sera une excellente preuve que l’attribution n’est pas fondée : tout document dont il existe une copie en écriture du xie siècle ne peut pas être postérieur au xie siècle. — On examine la langue : certaines formes n’ont été employées qu’en certains lieux et à certaines dates. […] Pour les périodes et les espèces de faits sur lesquelles les documents sont rares, pour l’antiquité, pour les usages de la vie privée, on a tenté d’utiliser les œuvres littéraires, poèmes épiques, romans, pièces de théâtre171.
Vous y verrez, entre beaucoup d’autres petits poèmes ironiques et gracieux, au crayon ou à la plume, un Roman de la Rose, qui vous dispensera absolument de lire les vingt-cinq mille vers de Guillaume de Lorris et de Jehan de Meung, et qui contient, je crois, autant de pensée et beaucoup plus de sentiment. […] Ce n’est que le Croquemitaine sans vie du fanatisme, conçu selon l’esprit du xviiie siècle pour l’enseignement du peuple. — Ou bien, on pouvait nous faire voir franchement Paolo comme un « objet curieux », comme un spécimen rare d’humanité monstrueuse, et, pour cela, exagérer encore ce qu’il a d’étrange, de lointain, de différent de nous, et l’exprimer par des paroles éclatantes qui nous en donnent la vision… C’est ce que Victor Hugo et mieux encore Leconte de Lisle ont souvent fait pour les hommes des anciens âges, dans la Légende et dans les Poèmes barbares. […] De plus en plus, dans les poèmes ou les œuvres dramatiques, les passions et les crimes démesurés me gênent et me déroutent. […] C’est le plus riche et le plus élégant poème de pierre qu’on ait jamais dressé et ciselé.