C’est un ogre lascif qui dans ses bras infâmes A son repaire affreux porte sept jeunes femmes ; Renaud de Montauban, illustre paladin, Le suit l’épée au poing : lui, d’un air de dédain, Le regarde d’en haut ; son œil sanglant et louche, Son crâne chauve et plat, son nez rouge, sa bouche Qui ricane et s’entr’ouvre ainsi qu’un gouffre noir, Le rendent de tout point très singulier à voir : Surprises dans le bain, les sept femmes sont nues ; Leurs contours veloutés, leurs formes ingénues Et leur coloris frais comme un rêve au printemps, Leurs cheveux en désordre et sur leur cou flottans, La terreur qui se peint dans leurs yeux pleins de larmes Me paraissent vraiment admirables ; les armes Du paladin Renaud faites d’acier bruni, Étoilé de clous d’or, sont du plus beau fini : Un panache s’agite au cimier de son casque, D’un dessin à la fois élégant et fantasque ; Sa visière est levée, et sur son corselet Un rayon de soleil jette un brillant reflet. Mais à ce tableau plein d’inventions heureuses Je préfère pourtant ses petites Baigneuses… Voilà bien le genre à sa date, la poésie pédestre et familière, telle qu’on l’essayait alors. […] Le livre est plein de ces couplets qui recommencent sans cesse comme dans une monodie. […] Son recueil de Poésies publié en 1845, par tout ce qu’il contient, et même avant le brillant appendice des Émaux et Camées, est une œuvre harmonieuse et pleine, un monde des plus variés et une sphère.
En attendant, un érudit plein d’ardeur, M. […] Lorsqu’on étudie le xvie siècle français au point de vue de la poésie, on est frappé de voir comme il se coupe exactement en deux, et comment, après une première moitié, où s’essaye une renaissance encore incomplète et timide, il vient un jour et une heure où elle éclate et aspire à son plein et entier développement. […] Un jeune érudit, plein d’ardeur et de foi, M. […] Il faut nous représenter Ronsard et sa Pléiade se précipitant, pleins d’ardeur, sur tous les chemins de l’intelligence avec la pensée bien arrêtée qu’ils sont les premiers à y entrer et que personne avant eux n’a connu le printemps ni les fleurs.
Cela posé, nous nous garderons d’en faire une sévère application à l’ouvrage plein de recherches et de faits que vient de publier M. […] Je ne sais si je m’abuse, mais je crois déjà voir en cette nature sensible, résignée et sobre, une naïveté attendrissante qui me rappelle le bon Ducis et ses amours, une vertueuse gaucherie pleine de droiture et de candeur comme je l’aime dans le vicaire de Wakefield ; et je me plais d’autant plus à y voir ou, si l’on veut, à y rêver tout cela, que j’aperçois le génie là-dessous, et qu’il s’agit du grand Corneille15. […] Génie loyal, plein d’honneur et de moralité, marchant la tête haute, il devait se prendre d’une affection soudaine et profonde pour les héros chevaleresques de cette brave nation. […] La querelle du Cid, en l’arrêtant dès son premier pas, en le forçant de revenir sur lui-même et de confronter son œuvre avec les règles, lui dérangea pour l’avenir cette croissance prolongée et pleine de hasards, cette sorte de végétation sourde et puissante à laquelle la nature semblait l’avoir destiné.
Dès sa première satire, pièce assez médiocre, il trouve la rime pleine, riche, curieuse même. […] Et de plus, un jardin bien dessiné, un potager bien planté, des melons et des fleurs, un jardinier qui porte ses arrosoirs, tous ces objets nettement découpés, tous ces détails sans ensemble, qui ne demandaient point d’adoration mystique, étaient bien plus dans ses moyens que les vastes campagnes pleines d’air où les contours se noient et les couleurs se fondent dans des harmonies d’une infinie délicatesse. […] Voici enfin la femme de la fin du siècle, qui montre la voie à la duchesse de Berry et devance la Régence ; la voici Qui souvent d’un repas sortant tout enfumée, Fait même à ses amants, trop faibles d’estomac, Redouter ses baisers pleins d’ail et de tabac. […] C’est un intérieur de taverne : Et de chantres buvans les cabarets sont pleins.