Lucien Muhlfeld Ceux qui regrettent qu’on ait retrouvé seulement une dizaine des Mimes du poète Hérodas, liront avec plaisir les Mimes de Marcel Schwob, continueront de goûter un savant plaisir.
Ils disent tous que les vers françois leur font moins de plaisir que les vers latins, quoique la pluspart ils aïent appris le françois avant que d’apprendre le latin. […] En supposant que le poëte françois et le poëte latin aïent traité la même matiere, et qu’ils aïent également réussi ; les françois dont je parle trouvent plus de plaisir à lire les vers latins.
Ceux qui cherchent dans les ouvrages d’esprit des lumières sur les choses plus près d’eux, ou simplement les plaisirs si variés de l’art, ceux-là ne trouvent dans ces livres, un moment célèbres, qu’un désappointement égal à l’admiration qu’ils ont inspirée. […] Le poète parle en son nom de tout ce qui l’a touché, peines, plaisirs, espérances, regrets, impressions des grands événements et des beautés de la nature, amour, enthousiasme, tentations du doute, rêveries, désenchantements, tout ce qui a passé par l’âme de René, René, le type de la poésie personnelle, l’aîné de cette noble famille qui le continue, non par imitation, mais parce que sa mélancolie est l’état des âmes d’élite au dix-neuvième siècle. […] Celle-ci se rapproche plus d’un traité ; elle a la prétention de régler les plaisirs de l’esprit, de soustraire les ouvrages à la tyrannie du chacun son goût, d’être une science exacte, plus jalouse de conduire l’esprit que de lui plaire. […] Elle parle plus volontiers de ses plaisirs que de ses dégoûts ; elle tient plus à nous faire aimer les beautés des livres, qu’à nous rendre trop délicats sur les défauts des écrivains. […] Ces auditeurs étaient-ils des gens touchés, allant du Dieu de l’éclectisme au Dieu de l’Evangile, ou des Athéniens courant d’une tribune à une autre tribune, du plaisir de la parole au plaisir de la parole ?
Il est clair, par exemple, qu’après la mort d’une mère, son image est plus vive et plus tenace que la représentation d’une promenade ou d’une partie de plaisir. […] Ainsi entendues, les idées-forces, c’est-à-dire les états de conscience corrélatifs aux vibrations du cerveau, luttent pour l’existence et les plus fortes l’emportent : il y a conflit dynamique et sélection dans les plaisirs et les peines, dans les émotions, dans les pensées, dans les états de conscience de toute sorte, dont chacun, étant lié aux vibrations de cellules particulières dans le cerveau, enveloppe une tendance à se maintenir et à survivre, corrélative de la tendance des cellules à leur propre conservation et à leur propre développement. […] Il peut subsister au sein de la conscience des actions et passions latentes, des états confus de plaisir ou de peine, des appétitions plus ou moins vagues, enfin des représentations obscures et confondues dans la masse ; quand tout cet ensemble se trouve réaliser actuellement un ensemble analogue à tel état passé de l’esprit et à telle aperception passée, la même idée doit renaître en vertu des mêmes conditions à la fois mentales et physiques, comme la même illumination de la mer sous les mêmes rayons solaires, et elle est de nouveau aperçue ; mais nous ne croyons pas que l’idée, comme acte intellectuel, comme pensée, puisse subsister d’une manière inconsciente. […] Un autre problème, voisin du précédent (et qui n’est pas de moindre importance dans la question du bonheur humain), ce serait de savoir si les douleurs laissent plus de traces et se rappellent plus aisément que les plaisirs. […] Selon Maudsley, les peines se renouvellent moins aisément dans l’imagination que les plaisirs, parce qu’elles impliquent une désorganisation et un trouble de l’élément nerveux ; de plus, Maudsley remarque que, chez un organisme sain, il y a une disposition spéciale au plaisir : le plaisir doit donc reparaître plus aisément dans la mémoire que les peines, à intensité égale.