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411. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Elles sortent de l’Église, où de toute façon elles ne sont plus à leur place : elles s’étalent sur le parvis, devant la foule assemblée. […] La grande commune picarde, riche, populeuse, remuante, toujours avide d’action et d’émotion, que nous avons vue déjà dérober aux cours féodales les formes aristocratiques de leur lyrisme, s’empara aussi de bonne heure du drame élevé à l’ombre de l’église : elle l’amena sur ses places publiques, et y versa tous les sentiments naïfs ou vulgaires qui bouillonnaient dans les âmes de ses bourgeois. […] L’élan non encore lassé des croisades, la touchante confiance en la sollicitude divine, la vulgarité passablement matérialiste, qui, pour n’être pas dupe, réclame de Dieu, de son saint, un service temporel et des miracles lucratifs, voilà les hauts et les bas de la foi du moyen âge : mais dans la vie facile et bruyante de la province artésienne, que de place prennent les tavernes, les « beuveries », les drôles insolents et amusants que la police bourgeoise pourchasse, mais qui font les délices de la gaieté bourgeoise ! […] Avec cela, le drame dévot devient une farce : la place que la religion garde dans l’ouvrage, c’est justement celle que lui fait l’âme bourgeoise dans la vie laïque.

412. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Il se distingua au siège de Mayence, passa avec la garnison de cette place dans la Vendée, où il servit un an, fit les campagnes de 1794, 1795, 1796 à l’armée de Sambre-et-Meuse. […] À la hauteur où il se place, et d’après la façon dont il parle, il est évident qu’il voit dans cette conduite non pas imposture, mais habileté légitime : L’école ou la Sorbonne de Gama el-Azhar est la plus célèbre de l’Orient. […] La place d’Ezbékieh tout entière était encombrée de leur cortège. […] En un mot, même en face de César, et pas trop au-dessous dans l’ordre de la pensée, il y a place toujours pour Cicéron, et pour toutes les formes variées de discours, riches, faciles, naturelles, éloquentes ou ornées, que ce nom de Cicéron représente.

413. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

À part ce dernier mot, c’est à peu près là l’exact jugement que portait M. de Féletz sur des critiques qu’il avait si bien connus, et parmi lesquels lui-même il ne tenait pas la place la moins distinguée. […] Il s’agissait de les restaurer et de les Remettre en lumière, à leur place, au-dessus de l’auteur de Mérope et de Zaïre. […] Il avait reconnu Dussault sous le masque, mais il répondit mal ; au lieu de se disculper sur les articles essentiels, il s’exalta lui-même, il parla avec emphase de ses ennemis : Jusqu’ici, s’écriait-il, j’avais aisément repoussé les traits lancés du dehors ; mais, pour la première fois, j’ai eu affaire à des ennemis maîtres de la place, ils m’attaquaient dans l’intérieur même du journal, au sein de mes foyers ; ma propre maison était devenue leur arsenal et leur citadelle. […] On affectait de dire que M. de Féletz lui-même désirait de se décharger de sa place d’administrateur : c’était l’obliger que de la lui ôter.

414. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Logée dans un couvent près la place Royale, elle voyait de là le meilleur monde ; elle était sans cesse à l’hôtel d’Albret et à celui de Richelieu. […] Je ne puis mieux la comparer, dans ses projets perpétuels et ses menaces de retraite, qu’à M. de Chateaubriand, qui voulait toujours, comme on sait, fuir le monde pour un ermitage et s’en retourner chez les sauvages américains : « Je retournerais en Amérique, disait Mme de Maintenon, si l’on ne me disait sans cesse que Dieu me veut où je suis. » Elle avait un confesseur, l’abbé Gobelin, qui sut lui dire de très bonne heure, en lui montrant la place (place encore sans nom et nullement vacante, car la reine vivait) qu’il y avait à occuper auprès de Louis XIV : Dieu vous veut là ! […] Mme Du Deffand, qui est littérairement de la même école, a très bien rendu l’effet que font les lettres de Mme de Maintenon, et on ne saurait mieux les définir : Ses lettres sont réfléchies, dit-elle ; il y a beaucoup d’esprit, d’un style fort simple ; mais elles ne sont point animées, et il s’en faut beaucoup qu’elles soient aussi agréables que celles de Mme de Sévigné ; tout est passion, tout est en action dans celles de cette dernière : elle prend part à tout, tout l’affecte, tout l’intéresse ; Mme de Maintenon, tout au contraire, raconte les plus grands événements, où elle jouait un rôle, avec le plus parfait sang-froid ; on voit qu’elle n’aimait ni le roi, ni ses amis, ni ses parents, ni même sa place ; sans sentiment, sans imagination, elle ne se fait point d’illusions, elle connaît la valeur intrinsèque de toutes choses ; elle s’ennuie de la vie, et elle dit : « Il n’y a que la mort qui termine nettement les chagrins et les malheurs… » Il me reste de cette lecture beaucoup d’opinion de son esprit, peu d’estime de son cœur, et nul goût pour sa personne ; mais, je le dis, je persiste à ne la pas croire fausse.

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