Elle s’échappe à dire, en parlant de la Conciergerie, avec un geste qui semble repousser l’image de sa cervelle : « La prison ; je n’aime pas voir cela… » et elle en reste là de sa phrase. […] fait il. » Mais son fils sorti, après Ebner, il me dit : « Oui, j’envoie deux témoins à Delpit, qui dans un article à propos de l’Académie… vous savez, c’est toujours la même chose… la continuation de la légende qui s’est faite sur moi… j’ai trahi tous mes amis… et personne n’est plus habile que moi, pour envelopper une perfidie dans de belles phrases… enfin ce mot carthaginois commence à m’agacer… je lui demande une rétractation, en lui adressant des amis, de vieux amis, qui, je crois, peuvent témoigner que je ne les ai pas trahis. » Entre Mme Daudet. […] On part pour le Vésinet. » Et il me charge « s’il y avait accident », de porter à sa chère femme un petit mot, enfermé dans sa lettre, qu’il termine par cette tendre phrase : « Après son mari, ses enfants, papa et maman, vous êtes ce qu’elle aime le plus. » Cette lettre m’émotionne. […] Dimanche 15 juillet Une élégante, chez laquelle je me trouvais, après avoir pendant un quart d’heure blagué la maladie du comte de Chambord, et sa mort future, termine par cette phrase : « J’ai commandé une robe noire, que je porterai, si je ne suis pas en province… vous concevez, à Paris, n’être pas en noir… moi, ce serait ridicule. » Mardi 17 juillet Pendant que j’attendais des livres, dans la salle de lecture de la bibliothèque, je regardais un bossu : tout le haut de la tête d’un bossu, est dans le bas de sa mâchoire. […] J’obtiens de faire remplacer : « Remettez le cadavre », lorsque la reine parle de la couronne aux faux diamants, par cette phrase : « Remettez ça, là. » Ce « cadavre » doit paraître du sublime à quelques-uns, qui ne se doutent pas, que dans les situations dramatiques, il faut que toujours l’expression soit simple, qui ne savent pas que la passion emploie toujours l’expression commune, et au grand jamais, l’image.
» Dans les deux phrases citées par M. […] Rien ne peut mieux réussir à en préserver le Public, que quelque Ouvrage qui en fasse sentir le ridicule : et pour cela il n’y a autre chose à faire que de lui présenter, dans un Extrait fidèle, toutes ces phrases vuides et alambiquées, dont les nouveaux Scudéris de notre temps ont farci leurs ouvrages, même les plus sérieux. » On n’est pas très surpris en lisant ce dictionnaire d’y trouver voués à la réprobation des honnêtes gens des mots tels que : Agreste, amplitude, arbitraire, assouplir, avenant ; « aviser, pour dire découvrir de loin, est un mot bas et de la lie du peuple » ; broderie, coûteux, coutumier, découdre défricher, sont tenus pour des termes incompatibles avec la littérature, et on rejette encore : détresse, émaillé, enhardir, équipée, germe, geste, etc. […] J’ai entendu cette phrase : « Vous avez agi d’une façon cruche. » Le substantif qui implique une idée de qualité, de manière d’être, tend naturellement à devenir un adjectif ; c’est le passage du particulier au général. […] Vaugelas disait, à propos de certains pléonasmes d’usage, que « la parole n’est pas seulement une image de la pensée, mais la chose même », laquelle se représente d’autant plus nettement que la phrase est plus descriptive de l’acte. […] Il y a une tendance à supprimer le pronom réfléchi dans les phrases : je vais me promener, — me coucher, — me baigner, etc.
Sa phrase, endimanchée de ces gros termes, a les allures solennelles et gourdes des phrases d’instituteur. […] Après cela, relèverai-je l’étonnante phrase de M. […] Sa phrase, pareille à ces grosses souches raboteuses, éclate en jets et en enchevêtrements de toute sorte. […] « Langlade était l’auteur de la plus grande phrase de toute la littérature française : cette phrase avait 72 lignes. » — Et c’est tout ce que la postérité se rappelait de Langlade. […] Mais il a aussi un répertoire de phrases sévères sur la civilisation actuelle.
Toutes les heures qu’il peut dérober, il les emploie ; et puis vieux, retiré dans sa terre, il coordonne cette masse de matériaux, il la met en corps de récit, en un corps unique et continu, se bornant à la distribuer par paragraphes distincts, avec des titres en marge91 ; et ce long texte immense, il le recopie tout de sa main avec une netteté, une exactitude minutieuse, qualités authentiques qu’on n’a pas assez remarquées, sans quoi on eût plus religieusement respecté son ordre et sa marche, son style et sa phrase, qui peut bien être négligée et redondante, mais où rien (je parle des Mémoires et des notes) n’est jeté au hasard. […] Cette première édition si goûtée, avait été faite d’après un singulier principe et sur un sous-entendu étrange ; c’est que Saint-Simon, parce qu’il a sa phrase à lui et qui n’est ni académique, ni celle de tout le monde, écrivait au hasard, ne savait pas écrire (comme le disaient les marquises de Créquy et du Deffand), et qu’il était nécessaire de temps en temps, dans son intérêt et dans celui du lecteur, de le corriger. […] Habituellement et toujours, il a dans sa vivacité à concevoir et à peindre, le besoin d’embrasser et d’offrir mille choses à la fois, ce qui fait que chaque membre de sa phrase pousse une branche qui en fait naître une troisième, et de cette quantité de branchages qui s’entrecroisent, il se forme à chaque instant un arbre des plus touffus. […] C’est à quoi l’édition de 1829, qui a servi depuis aux réimpressions n’avait pas eu égard : à première vue, on y a considéré les phrases de Saint-Simon comme des à peu près de grand seigneur, et chemin faisant, sans parti pris d’ailleurs, on les a traitées en conséquence98. […] Ainsi dès le premier pas, comme si la phrase de Saint-Simon ne marchait pas toute seule, on lui prêtait un bâton et deux béquilles.