J’ai dit un jour qu’il prononçait les finales « euse » comme nous autres Lorrains, exactement, mais Emile Hinzelin m’aide à saisir une nuance plus exacte de la vérité : mon ami, lui aussi, croyait reconnaître du lorrain dans cet accent du Rethelois un peu dur et prolongeant la fin des phrases, mais un savant archéologue, qu’il a rencontré à Vouziers, et qui fut le condisciple de Taine, lui a signalé quelques différences. […] Si chacun peut en dire autant de soi, cela ira bien pour tous. » Vous voyez comment il faudrait très légèrement transformer cette phrase pour qu’un de ces grands individus que Taine traite de fous furieux la reprît : « Nous ne pouvons pas tous servir l’humanité de la même façon ; Marc-Aurèle, Spinoza, Gœthe, c’est très bien.
Voici des phrases toutes pleines de parfums ; respirez-les. […] Flaubert costume de ses phrases la réalité médiocre ou infâme. […] Ses phrases suivent ses pensées docilement, les accompagnent. […] La jolie phrase ! […] Il le sait mieux, à la suite d’une phrase décisive.
Certaines phrases musicales qui sont une sorte de caresse amoureuse font pour ainsi dire naître le baiser sur notre bouche. […] Dans cette phrase la sixième note (hémistiche) tombe sur le temps fort de la première mesure, et la douzième sur le temps fort de la seconde. […] Alors la phrase musicale de l’alexandrin, si monotone au premier abord, se varie et se nuance de toutes manières. […] Le vers classique n’a, en général, que deux forts accents rythmiques et qu’une véritable césure ; le vers dit « romantique » multiplie les accents rythmiques et les césures ; de plus, il accumule les idées et les phrases, et à chaque phrase nouvelle il se trouve coupé naturellement de virgules ou de points. […] Hugo, devant l’harmonie de la phrase musicale et la puissance de l’image.
À plusieurs époques de notre révolution, les sophismes les plus révoltants remplissaient seuls de certains discours ; les phrases de parti, que répétaient à l’envi les orateurs, fatiguaient les oreilles et flétrissaient les cœurs. […] Je m’arrête ; car cette imitation deviendrait aussi fatigante que la réalité même : mais on pourrait extraire des adresses, des journaux et des discours, des pages nombreuses, dans lesquelles on verrait la parole marcher sans la pensée, sans le sentiment, sans la vérité, comme une espèce de litanie, comme si l’on exorcisait avec des phrases convenues l’éloquence et la raison. […] Les barrières imposées par des convenances respectables servent, comme je l’ai dit, aux succès mêmes de l’éloquence ; mais lorsque, par condescendance pour l’injustice ou l’égoïsme, l’on est obligé de réprimer les mouvements d’une âme élevée, lorsque ce sont non seulement les faits et leur application qu’il faut éviter, mais jusqu’aux considérations générales qui pourraient offrir à la pensée tout l’ensemble des idées vraies, toute l’énergie des sentiments honnêtes, aucun homme soumis à de telles contraintes ne peut être éloquent, et l’orateur encore estimable, qui doit parler dans de telles circonstances, choisira naturellement les phrases usées, celles sur lesquelles l’expérience des passions a été déjà faite, celles qui, reconnues inoffensives, passent à travers toutes les fureurs sans les exciter.