/ 2094
1181. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Platon a compris la réalité unique du Moi créateur, la projection de Lui au néant d’où naissent les mondes ; il a superposé la philosophie idéaliste parfaite du Vrai à la science évolutionniste de l’Apparent. […] Cette philosophie devait tuer le drame : elle le tua. […] Il est le créateur d’une vie profonde et suprême, éclairée par une philosophie merveilleuse. […] Il devient ensuite un travail de préparation à la science — à peine ébauchée aujourd’hui — de la philosophie de l’histoire.

1182. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

La thèse philosophique indémontrée a pris un faux air d’assurance scientifique en passant par la science, mais elle reste philosophie, et elle est plus loin que jamais d’être démontrée. […] Ernest Seillière 28, et qu’une longue série d’ouvrages a suffisamment défini, le fait est incontestable ; en le constatant, en le reliant à ses causes et en le suivant dans ses effets, l’auteur apporte une contribution inappréciable à la philosophie de l’histoire. […] Du même coup s’éclaircira pour toute philosophie le mystère de l’obligation suprême : un voyage avait été commencé, il avait fallu l’interrompre ; en reprenant sa route, on ne fait que vouloir encore ce qu’on voulait déjà. […] Elle se donne une représentation spatiale de la vie intérieure ; elle étend à son nouvel objet l’image qu’elle a gardée de l’ancien : d’où les erreurs d’une psychologie atomistique des états de conscience ; d’où les inutiles efforts d’une philosophie qui prétend atteindre l’esprit sans le chercher dans la durée.

1183. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Cette admiration pour un empire de plus de deux cents millions d’hommes, où il n’y a pas un seul homme qui ait le droit de se dire libre ; cette philosophie efféminée qui donne plus d’éloges au luxe et aux plaisirs qu’aux vertus ; ce style toujours élégant et jamais énergique, annoncent tout au plus l’esclave d’un électeur de Hanovre. » Ce jour-là Mirabeau avait évidemment besoin de faire l’orateur et de se donner un adversaire qu’il pût invectiver ; il se figura Gibbon en face de lui et lança son apostrophe. […] Ce ne serait pas être juste, avant de quitter l’Histoire de ce dernier, que de n’y pas signaler encore quelques endroits tout littéraires et d’une heureuse richesse, où l’auteur est bien dans l’application de sa nature et dans l’emploi de son talent : par exemple, un passage soigné sur les écoles de philosophie grecque au moment où l’édit de Justinien les supprime ; et, tout à la fin de l’ouvrage, les considérations sur la Renaissance en Italie, sur l’arrivée des lettrés de Constantinople, sur les regrets de Pétrarque en recevant un Homère qu’il ne sait pas lire dans l’original, et sur le bonheur de Boccace, plus docte en ceci et plus favorisé.

1184. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Dans une même tête on trouve amassées les opinions de Pythagore et la philosophie de Kant, le pyrrhonisme de Voltaire et la croyance aux enchantements, etc. […] C’est elle qui a écrit pourtant : « Je ne regrette point Pascal ; ses lumières étaient aussi étendues que sa société était triste : c’était de l’absinthe qu’il répandait dans ses communications, et je trouve que la religion et la vraie philosophie, qui apprécient tout, donnent, sinon de la gaieté, du moins de la sérénité. » La sérénité, quoi qu’elle en dise, n’est point précisément ce qui nous paraît dominer dans la religion de Mme de Créqui.

/ 2094