Tous ceux-là qui s’imaginaient être le plus en dehors du débat et qui se moquaient de nous et de nos querelles, tous les philosophes de ce temps qui croient encore aux lois morales (et tous veulent avoir l’air d’y croire, ces ennemis de Tartuffe !) […] V Son livre de la Douleur vient bien sous ma plume, dans un temps où les derniers philosophes de ce moment du siècle sont Schopenhauer et Hartmann ! […] Saint-Bonnet — l’auteur de ce livre — fait le plus frappant, le plus intéressant et le plus lumineux contraste avec Schopenhauer et Hartmann, et ils s’éclairent trop bien tous trois pour que, dans ces élucubrations critiques, je ne les fasse pas se suivre et, en se suivant, s’opposer… Ils sont tous trois, en effet, des philosophes et des métaphysiciens. […] Mais quand on le pourrait, on se priverait encore de la beauté que le philosophe, grand artiste toujours, donne au développement de ses idées, et de la force qu’il imprime à leurs conséquences. […] Saint-Bonnet, l’immatériel métaphysicien, ajoute à l’intuition réfléchie du philosophe l’intuition surnaturelle de sa foi et l’ardeur et l’adoration des mystiques.
C’est toujours et déjà la tactique de ce singulier philosophe parmi les philosophes, qui répondait aux prétentions et aux insolences de la métaphysique avec de l’histoire, Joseph de Maistre est, en effet, un génie historique par excellence. […] Il en élève les coutumes et jusqu’aux préjugés à la hauteur de lois immuables, et si le xviiie siècle lui apparaît le plus profondément perdu de raison de tous les siècles, et, dans ce siècle, Jean-Jacques Rousseau le plus perdu des philosophes, c’est que le xviiie siècle et Rousseau, l’auteur du Contrat social et de l’Inégalité des conditions, sont, de tous les temps et de tous les hommes, ceux qui ont le plus méconnu la voix infaillible et l’autorité souveraine de l’Histoire. […] Les bourreaux d’idée sont des philosophes à systèmes. […] Mais Joseph de Maistre, dont la gloire est d’avoir laissé des aperçus sur tout et de n’avoir fait de théorie sur rien, est un historien et non un philosophe.
Le caractère et les ouvrages de ce respectable abbé ont été, dans les derniers temps, l’objet d’études approfondies qui, en l’exagérant un peu, le font très bien connaître, M. de Molinari, au point de vue des économistes, nous l’a présenté par extraits, par citations resserrées et abrégées, seule manière dont l’abbé de Saint-Pierre soit lisible, et il l’a justement rapproché de son futur parent dans l’ordre des esprits, le philosophe utilitaire Bentham. […] Édouard Goumy, dans une thèse complète et fort spirituelle, soutenue à la Faculté des lettres et devenue presque un volume, a tracé de l’homme et du philosophe un portrait qui ne paraît nullement flatté, et il a porté des jugements qui s’appuient sur l’analyse détaillée des œuvres. […] Mais la mort de ses parents le laissant maître de suivre ses goûts, « et persuadé, nous dit Fontenelle, qu’il n’y avait pas de meilleur séjour que Paris pour des philosophes raisonnables », il y vint habiter et se logea au faubourg Saint-Jacques, dans ce qu’il appelait sa cabane, avec son ami Varignon, à qui il constitua une rente de 300 livres par contrat, pour qu’il fût bien établi que des deux amis l’un ne dépendait pas de l’autre. […] Il y avait antipathie entre eux : La Bruyère était philosophe, mais encore plus artiste ; l’abbé de Saint-Pierre écrivait aussi peu et aussi mal que La Bruyère écrivait bien.
Jouffroy et celle des autres philosophes psychologistes. […] Dire qu’une nouvelle religion est impossible parce qu’elle ne saurait plus offrir ces phénomènes singuliers qui ont entouré le berceau des religions anciennes, c’est se prendre aux apparences et ne pas tenir compte des circonstances différentes ; c’est comme si l’on objectait aux philosophes eux-mêmes que toute philosophie est désormais impossible, parce que Socrate, leur père, croyait à un démon familier, et que pareille chose probablement n’arrivera plus. […] philosophe, vous faites mention de ce qu’ont pensé Crantor, Chrysippe ou La Rochefoucauld, et vous fermez les yeux, en prononçant à la légère le mot d’inspiration, devant les Védas, les Évangiles, le Coran, les Pères et les Docteurs, tous les grands livres de la destinée humaine ? […] Sainte-Beuve a publié dans l’appendice sur George Sand (tome I, page 510), une lettre entre autres de l’auteur d’indiana, où Jouffroy est caractérisé de main de maître et de philosophe.