Certes, on ne saurait trop fixer l’attention sur le phénomène d’amour conjugal dont Mme Quinet nous offre aujourd’hui l’étonnant modèle. […] À force d’amour conjugal, le phénomène biblique de la côte d’Adam est retrouvé !
Sophie Arnould n’est peut-être pas que le phénomène d’esprit que réellement elle était, mais un phénomène bien plus complexe ; car ils la font, dans leur livre, charmante de toutes les manières dont une femme puisse être charmante, comme ils l’ont faite spirituelle dans ces misérables lettres où elle ne l’est plus et qui inspirent à qui les lit, excepté eux, plus de dégoût encore que de pitié.
Aveuglés par leur long tête-à-tête avec des organes et des phénomènes, la plupart des médecins ont, depuis Bacon et son observation raccourcie, dégradé la science dont ils relèvent, et ils l’ont réduite à n’être plus qu’un empirisme superficiel et grossier. […] M. le docteur Tessier n’est pas uniquement préoccupé de spiritualiser l’instruction et de tenir compte de la magnifique duplicité humaine, même dans l’intérêt de l’observation physiologique ; il va plus loin et plus haut… « Le rationalisme dogmatique, dit-il, ne saurait coordonner les phénomènes physiologiques, et comprendre les rapports de la physiologie et de la médecine, mais, sur le terrain de la pathologie, ce rationalisme devient la négation de TOUTE vérité. » Ainsi, comme on le voit, l’enseignement n’est pas seulement matérialiste ; il est de plus arbitraire et antimédical, et l’habile écrivain le prouve avec une rigueur dont, certes, il n’avait pas besoin aux yeux de ceux qui savent jusqu’où peut porter une idée.
Tout homme qui pense, — tout moraliste, — tout physiologiste, — se sentira saisi d‘une ardente curiosité devant le phénomène de cette existence mise en dehors de l’humanité par l’énergique volonté et la passion religieuse d’un homme, et voudra la scruter et s’en rendre compte philosophiquement… Voilà pour la science et pour la pensée ! […] Vous ne vous répondrez peut-être pas, mais vous aurez constaté le phénomène dans cette humanité qui doit mourir, mais qui, en attendant qu’elle meure, goûte un charme amer dans le spectacle de sa misère, et trouve dans la contemplation d’un vieux pauvre ou d’une vieille pauvresse la plus longue de ses rêveries… Cette fascination de la pauvreté qui agit sur nous tous, pas de doute que Benoît Labre ne l’ait ressentie ; mais si vous ajoutez à cette poésie naturelle la poésie de l’amour de Dieu, du Dieu né dans l’étable de Bethléem et qui a enseigné le renoncement aux joies matérielles de la vie, vous aurez une vie très particulière et très belle, et qui, même sans la foi chrétienne qui seule peut l’expliquer, doit couper le rire sur les lèvres superficielles et sottes des moqueurs.