Mais d’une part plus ténébreuse, quoique plus vertigineusement vitale et universelle notre Sub-conscient est encore la survie d’hérédités et d’atavismes, la somme d’innombrables « moi » dont le peuple obscur, résistant descend animalement à l’origine « instinctive ». […] En sont possédées les vies des peuples et des empires et nos propres vies, naturelles et intellectuelles, et nos énergies quotidiennes elles-mêmes. […] Pouvoir providentiel sur et dans la volonté au mieux des peuples consciemment et nécessairement assentants. […] « L’on peut dire de René Ghil comme du grand précurseur romantique : Il a renouvelé l’imagination, la matière poétique Française… « Il est le poète épique et lyrique du Cosmisme, de l’Ecoulement des Choses, des grands Etres indivis, stellaires et telluriques, des Espèces, de l’Humanité, des Races, des Peuples, des Morales, des Systèmes, des Sociologies améliorantes.
Racine, Despréaux, & tous ceux qui rassuroient le peuple sçavant, par leur amour pour l’antiquité, & par leurs excellens écrits, s’abusoient aussi étrangement. […] Le peuple Romain croyoit à cette métamorphose, & le poëte a suivi la tradition ; ainsi que dans un poëme sur Clovis, il n’y auroit aucun ridicule, selon M. de Voltaire, à parler de notre sainte Ampoule. […] Suivant ce plan, Turnus ne seroit point un prince jeune, aimable & digne d’obtenir la main de l’objet qu’il adore, mais il en seroit l’oppresseur ; il auroit profité de la foiblesse de la reine Amate & du vieux roi Latinus, pour envahir leurs états : & le prince Troyen seroit le libérateur de Lavinie & de son père ; au lieu que, chez Virgile, Turnus défend Lavinie, & l’on ne voit, dans Énée, qu’un étranger fugitif, courant les mers, & devenu le fléau des peuples & des rois de l’Italie, & d’une jeune princesse, de sorte qu’on est tenté de prendre le parti de Turnus contre Énée. […] On ne choisit plus les héros sur le trône : on les tira de partout, même de la lie du peuple.
Soit qu’on se rattache aux traditions indiennes, qui font échapper quelques naufragés sur l’Hymalaïa ; soit qu’on se rattache aux livres de la Chine, qui font réfugier un petit nombre de peuples sur les montagnes centrales ; soit qu’on se rattache aux monuments de l’Éthiopie ou de la haute Égypte, qui font creuser longtemps aux Troglodytes des cavernes dans les hauts lieux pour éviter une seconde inondation de la plaine ; soit qu’on se rattache aux récits bibliques, qui font naviguer Noé sur les eaux avec une élite de la famille humaine, il est impossible de nier les traditions orientales d’une grande submersion de cette partie du monde. […] Mais ces survivants de l’époque antédiluvienne n’avaient pas seulement sauvé leur vie ; ils avaient sauvé aussi leur intelligence et leur mémoire ; ils avaient transmis aux patriarches leurs premiers descendants, soit aux fils de Noé, si l’on admet la version biblique, soit aux fils des races indiennes, éthiopiennes, chinoises, si l’on admet les traditions de ces peuples de l’extrême Orient, ils avaient transmis quelques vestiges des vérités, de la révélation, de la philosophie, de la théologie que l’humanité antédiluvienne possédait depuis sa sortie de ce qu’on appelle Éden ; crépuscule du soir après un jour éclatant. […] « Quand je m’avançais vers la porte de la ville, on me dressait un trône au milieu des chefs du peuple. […] « Les principaux du peuple retenaient leurs paroles, et leur langue adhérait à leur palais !
Il le dit quelque part très ingénieusement (j’y rajeunis à peine quelques mots) : Il semble que pour planter et installer le christianisme en un peuple mécréant et infidèle comme maintenant est la Chine, ce serait une très belle méthode de commencer par ces propositions et persuasions : Que tout le savoir du monde n’est que vanité et mensonge ; — Que le monde est tout confit, déchiré et vilainé d’opinions fantasques, forgées en son propre cerveau ; — Que Dieu a bien créé l’homme pour connaître la vérité, mais qu’il ne la peut connaître de soi, ni par aucun moyen humain, et qu’il faut que Dieu même, au sein duquel elle réside, et qui en a fait venir l’envie à l’homme, la révèle comme il a fait, etc., etc. […] Par vulgaire, il n’entend pas le peuple proprement dit, « mais les esprits populaires, de quelque robe, profession et condition qu’ils soient », gens opiniâtres à ce qu’ils ont une fois pris à cœur, et qu’il y a péril à venir heurter dans leurs préjugés établis : dont il a semblé à plusieurs, dit-il, qu’il n’y faut aucunement toucher, mais laisser le moutier où il est, laisser rouler le monde comme il a accoutumé, et se contenter d’en penser ce qui en est ; et que ce n’est raison que les sages se mettent en peine pour les fols opiniâtres.