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1073. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Sully Prudhomme a cru devoir les faire suivre de quelques réflexions personnelles qui sont d’un grand intérêt à l’heure présente et permettent de poser le problème de la poétique comme il me semble possible de le poser. […] Permettez-moi de relever une légère inexactitude : ce n’est pas cette année, c’est l’année dernière, que j’ai fait suivre de réflexions personnelles le règlement du concours de poésie qui porte mon nom, mais dont la Société des gens de lettres m’a fait l’honneur d’accepter la gestion littéraire (comportant, bien entendu, l’entière indépendance de ses jugements). […] Pour y atteindre, l’intuition est le guide le plus sûr, et chacun sait comme il est difficile de démontrer à autrui la réalité de ses intuitions personnelles.

1074. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Je m’arrête ici, heureux d’avoir pu porter un témoignage de personnelle admiration en faveur d’un grand savant qui fut aussi le meilleur des maîtres. […] Le plus universel des penchants est aussi le plus personnel, et c’est en nous que se trouve le meilleur livre que l’on puisse nous proposer sur l’amour. […] L’amour, c’est de la sensibilité, et la sensibilité est rigoureusement personnelle. […] L’auteur ne manque jamais d’ériger en principe absolu sa manière personnelle d’être heureux ou malheureux. […] Être impersonnel, c’est être personnel selon un mode particulier : voyez Flaubert.

1075. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Il semble que, depuis les Confessions de Rousseau, toute notre littérature personnelle soit sortie d’un meuble cultuel fracturé, d’un confessionnal renversé. […] Il étudie, lit, se passionne pour la littérature, continue à écrire des vers abondamment, entrevoit déjà comme son domaine une littérature d’analyse personnelle : dans une lettre de 1842 il parle de Mémoires qu’il projette. […] Enfin Fromentin y déploie des qualités qui nous font penser qu’il aurait pu tirer de ce genre d’expérience personnelle, unie à l’observation, d’autres romans aussi bons. […] Tous deux naissent de cet examen personnel en lequel Stendhal voit la grande force opposée au catholicisme. […] Certes, il vit plus que personne dans le monde des essences métaphysiques, mais il n’en tire pas de construction qui lui soit personnelle, il ne se bâtit pas une maison à son goût.

1076. (1900) Molière pp. -283

La thèse ou plutôt les thèses que l’on y trouvera soutenues forment un ensemble de vues sur Molière, une étude de son génie et de son théâtre assez particulière, assez nouvelle, inattendue même en plus d’un point, et en tout cas très personnelle. […] Et même ce qui, dans cette étude si fièrement originale et personnelle, pourra sembler risqué, aventureux, paradoxal et contestable, est si étudié, si creusé, si sincère, et, d’ailleurs, si fortement mêlé de vues aussi justes que pénétrantes et d’irréfutables aperçus, que, même en résistant, en protestant, on sent, malgré soi, sa résistance toute mêlée de concessions partielles. […] En abordant dans cet esprit l’œuvre originale que nous tirons de l’ombre pour eux, les lecteurs n’auront, nous l’espérons, nul effort à faire pour se laisser contredire, instruire, divertir, par les enseignements les plus personnels, et même les plus risqués en apparence, du conférencier. […] Je ne crois pas en effet que, dans notre langue au moins, aucun écrivain dramatique ait su se plier au personnage et s’assimiler sa manière de parler, comme Molière ; et cela est d’autant plus remarquable, que, considéré en lui-même, Molière a un style très personnel, rempli de défauts et de défaillances. […] Quelle est la part de passion personnelle qu’y a apportée Molière, et quelle est la part de vue large et impartiale des choses ?

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