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1523. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Ce héros de bal masqué, tué en plein bal masqué, par une de ces permissions providentielles qui semblent l’ironie du sort et parachèvent toute une destinée, ressemblait beaucoup à ces masques qui figurent deux personnes à la fois et réunissent, dans une opposition piquante, par exemple le profil d’un bel officier, à l’étincelant uniforme et au mâle visage, et le profil d’une femme en tous ses atours, pleine de langueur ou de coquetterie… Tel il fut dans sa vie, tel il apparaît dans l’histoire, cet homme plus étrange que grand à coup sûr, mais qui prend l’imagination par son étrangeté même ! […] Ainsi, il vendit des biens d’Église, et devint distillateur et marchand d’eau-de-vie dans les proportions d’un monopole immense, pour faire vivre dans leur luxe effréné ceux-là que Léouzon-Leduc appelle hardiment ses mignons… L’un des plus comiques de ces spectacles fut sa coquetterie avec les Francs-Maçons et le prétendant d’Angleterre, qui était grand-maître de l’Ordre, auquel, dans des vues de conquête politique, il voulut succéder ; et surtout ce fut sa réclamation, comme Maçon, de la Livonie, qui avait jadis, comme on sait, appartenu aux Templiers… Extravagant, mais d’une extravagance qui passait comme un coup de vent, il rêva tour à tour qu’il prendrait la Norvège, qu’il confisquerait le Danemark, qu’il entamerait la Russie ; et il intrigua, brouilla, remua, mais stérilement, dans le sens de tous ces rêves, lesquels n’eurent de réel qu’une superbe bataille navale qu’il gagna lui-même en personne, — belle inutilité de plus !

1524. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Or, en France, dans le parti même qui aurait dû donner l’exemple de l’ordre et de la cohésion, personne ne s’entendait avec personne.

1525. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Après l’avoir lu, personne ne contestera que ce livre ne soit une espèce d’apothéose du double sentiment d’Héloïse et d’Abailard. […] Et pourtant ce serait à elle, la Philosophie, si on croyait ses prétentions à l’indépendance, à l’acuité de l’observation, au sentiment de la réalité en toutes choses, ce serait à elle plus qu’à personne à toucher le préjugé populaire pour le détruire et le diminuer, à entreprendre et à parachever cette étude hardie du cœur humain, cette dissection sur le vif par la réflexion , comme disait Rivarol, dans laquelle le scalpel immatériel, plus heureux que le scalpel qui fouille nos cadavres, trouve toujours où plonger et où interroger en des sentiments immortalisés par les hasards ou par les justices de l’Histoire !

1526. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Nous ne voulons mettre à feu ni à sang personne. […] Ce rêveur de Ballanche, qui avait tout à la fois du Platon et du Jocrisse dans sa personne, s’imaginait (écrit-il encore dans la même Préface) qu’il y avait de son temps, dans la Belle France, dix mille fois les dix justes qu’il fallait pour sauver Sodome.

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