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1092. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Quand il voit un tableau, il veut ressembler aux personnages par l’attitude et le costume ; s’il lit un livre, il s’en approprie aveuglément les idées ; il prend pour modèles les héros des romans qu’il a justement en main, et s’identifie avec le caractère des personnes qui s’agitent devant lui sur la scène. […] Ils peignirent avec la plus pénible exactitude le paysage qui servait de cadre à leurs personnages et les objets qui les entouraient. […] Il n’est pas, dans toute la littérature de l’humanité, une seule œuvre reconnue comme remarquable qui ne soit symbolique en ce sens, dont les personnages, leurs passions et leurs destins, n’aient une signification typique dépassant de beaucoup leur cas particulier.

1093. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Mais encore Madame Bovary n’était-elle pas un cas pathologique, et le personnage principal y jouait-il un autre rôle que d’être le support de sa maladie ! […] Toujours il leur faudra ce qu’on appelle des personnages sympathiques. […] Mais, à plus forte raison, si l’on veut qu’il soit une imitation suffisamment exacte de la vie, devra-t-on renoncer à nous montrer sur la scène des personnages d’exception. […] Jean Jullien, mais des personnages comme ceux de l’École des veufs ou de Grand-Mère, de M.  […] La nature existait vaguement autour de ce personnage absorbant.

1094. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Il admettait cela dans une histoire véritable, et il trouvait absurde de prêter à un personnage de roman une conduite aussi extraordinaire. […] Quant à Silvain, il a composé le personnage de Prusias comme il sait le faire. […] Des personnages fort doctes se mettent à désarticuler les poèmes homériques. […] De quelle manière saura-t-il animer son personnage, par la diction et par le geste ? […] Dans une de ses comédies, il donne le nom d’Autolycus à un personnage fort enclin à dérober.

1095. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

XLVIII Il en est des personnages célèbres comme des choses, la majorité des hommes ne les juge qu’à un certain point de perspective et d’illusion. […] XLIX Lamartine, historien, décrit les personnages au physique, leurs yeux, leurs lèvres, leurs narines ; il y a du Balzac dans ces peintures qui sentent la chair. […] Cousin se fût privée d’un tel moyen ; mais en pareil cas l’audacieux personnage n’y regardait pas de si près. […] L’autre jour, dans un journal, on annonçait qu’un mariage venait d’unir deux personnages étrangers illustres par leur naissance ; la femme descendait, je ne sais à quel degré, de la reine Marie Leckzinska, et l’homme avait aussi je ne sais quelle descendance ou parenté royale ; puis tout aussitôt on ajoutait : « M. de Balzac était l’un des témoins de ce mariage. » C’est bien, voilà un romaucier qui se décrasse, me disais-je ; il a la vanité aristocratique, il va chercher ses rois en Bohême, rien de plus innocent […] En rentrant de chanter La Marseillaise avec un si saisissant effet, elle disait dans la coulisse : « La farce est jouée. » La nature de Talma était autrement probe : il vivait dans ses personnages, et aussi l’impression qu’il a laissée chez tous ceux qui l’ont vu est-elle autrement profonde et d’un ordre plus historique (si je puis dire) que les prodiges passagers de Rachel.

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