Mais en même temps que les enfants apprennent dans les prisons scolaires ce que la vie seule leur enseignait autrefois et mieux, ils perdent sous la peur de la grammaire cette liberté d’esprit qui faisait une part si agréable à la fantaisie dans l’évolution verbale. […] Pariure, pour pari, est tout aussi légitime que parure ou que le vieux français parléure, malheureusement perdu sans compensation. […] Perdue.
Voilà la matiére des odes qui nous sont restées de Pindare : mais si nous n’avions perdu ses odes amoureuses et bachiques, où peut-être étoit-il plus passionné que Sapho, et plus gracieux qu’Anacréon, on croiroit aujourd’hui l’amour et la bonne chere, des matiéres essentielles à l’ode, avec autant de raison que la loüange des dieux et des héros. […] J’entens par ce beau désordre, une suite de pensées liées entr’elles par un rapport commun à la même matiére, mais affranchies des liaisons grammaticales, et de ces transitions scrupuleuses qui énervent la poësie lyrique, et lui font perdre même toute sa grace. […] L’abus de cette méthode a produit les pointes, où l’on ne cherchoit qu’à surprendre et à ébloüir l’esprit ; mais aussi en la négligeant, on perd un des plus sûrs moyens de plaire.
Pourtant le soir qui tombe a des langueurs sereines Que la fin donne à tout, aux bonheurs comme aux peines ; Le linceul même est tiède au cœur enseveli : On a vidé ses yeux de ses dernières larmes, L’âme à son désespoir trouve de tristes charmes Et des bonheurs perdus se sauve dans l’oubli. […] Depuis quand avez-vous perdu tout à fait la vue ? […] C’est là que j’ai recueilli et rapporté de loin, près de mon cœur, les cercueils de tout ce que j’ai perdu sur la route de plus aimé et de plus regretté ici-bas.
Ce serait parler chinois, ou plutôt ce ne serait rien dire, que de dire « qu’un corps plongé dans un fluide perd de son poids le poids du volume de ce fluide qu’il déplace », si nous n’avions au moins quelque idée de ce que c’est qu’un corps, un fluide, un poids, un volume, et de quelques autres choses encore. […] Mais ces relations, nous l’avons vu, ne sont elles-mêmes « scientifiques » qu’autant qu’elles sont « constantes » et « nécessaires » ; et c’est ce qui distingue la relation qu’exprime le principe d’Archimède de celle qui se traduirait dans la phrase suivante : « Au moment qu’il la croyait perdue, Bonaparte gagna la bataille de Marengo. » Il faut, à l’établissement du principe d’Archimède, qu’un corps soit toujours un corps, un fluide toujours un fluide, un poids et un volume toujours un volume et toujours un poids. […] Or, l’humanité n’est pas l’inconnaissable, et le mot de religion perd le meilleur de son sens si nous nous proposons à nous-mêmes comme l’objet de notre adoration.