/ 3012
1153. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

On croirait qu’il a pensé au poème du Tasse, s’il n’ajoutait expressément que cette épopée, qui réunirait tant d’avantages et qui atteindrait à la perfection, serait en prose : « car l’épopée, dit-il, peut aussi bien s’écrire en prose qu’en vers. » Cervantes, par la bouche de son chanoine, a proposé là l’idée d’une sorte de Télémaque de la chevalerie, et on a quelque raison de croire qu’en composant son dernier ouvrage posthume, celui qui suivit Don Quichotte, son Persilès et Sigismonde, il s’était flatté de réaliser en grande partie cet idéal. […] Cervantes n’y pensait pas, lui, mais nous y pensons, nous.

1154. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Il me reproche deux graves erreurs : d’avoir dit (ce que je n’ai ni dit ni pensé) qu’aucune société ne peut subsister sans la religion catholique, et d’être peu sensible à la beauté des gouvernements représentatifs. […] Je pense que ce qui est dû surtout aux mauvaises plaisanteries de ce genre, c’est d’être méprisées et oubliées. […] C’est d’ailleurs se méprendre, selon moi, que de penser que Victor Hugo ait voulu être systématiquement malveillant pour la Restauration, et l’idée générale du chapitre me paraît autre.

1155. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Le bruit retentissant de l’italien ne dispose ni l’écrivain, ni le lecteur à penser ; la sensibilité même est distraite de l’émotion par des consonances trop éclatantes. […] Les Italiens n’ont pensé qu’à faire rire en composant leurs pièces ; tout but sérieux, même déguisé sous les formes les plus légères, ne peut y être aperçu ; et leurs comédies sont la caricature de la vie, et non son portrait. […] Malgré le charme de Métastase et l’énergie d’Alfieri, je ne le pense pas.

1156. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

En peignant les jouissances de l’étude et de la philosophie, je n’ai pas prétendu prouver que la vie solitaire soit celle qu’on doit toujours préférer : elle n’est nécessaire qu’à ceux qui ne peuvent pas se répondre d’échapper à l’ascendant des passions au milieu du monde ; car on n’est pas malheureux en remplissant les emplois publics, si l’on n’y veut obtenir que le témoignage de sa conscience ; on n’est pas malheureux dans la carrière des lettres, si l’on ne pense qu’au plaisir d’exprimer ses pensées, et qu’à l’espoir de les rendre utiles ; on n’est pas malheureux dans les relations particulières, si l’on se contente de la jouissance intime du bien qu’on a pu faire, sans désirer la reconnaissance qu’il mérite ; et dans le sentiment même, si n’attendant pas des hommes la céleste faculté d’un attachement sans bornes, on aime à se dévouer sans avoir aucun but que le plaisir du dévouement même. […] Non, ne condamnez pas ces infortunés qui ne savent pas cesser de l’être ; vous, de qui leurs destinées dépendent, secourez-les, comme ils veulent être secourus ; celui qui peut soulager le malheur, ne doit plus penser à le juger, et les idées générales sont cruelles à l’homme qui souffre, si c’est un autre, et non pas lui, qui les applique à sa situation personnelle. […] tantôt la superstition défend de penser, de sentir, déplace toutes les idées, dirige tous les mouvements en sens inverse de leur impulsion naturelle, et sait vous attacher à votre malheur même, dès qu’il est causé par un sacrifice ou peut en devenir l’objet ; tantôt la passion ardente, effrénée, ne sait pas supporter un obstacle, consentir à la moindre privation, dédaigne tout ce qui est avenir, et poursuivant chaque instant comme le seul, ne se réveille qu’au but ou dans l’abîme.

/ 3012