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1584. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Maurice Le Blond, a quelque chose d’irréductible et de violent : « Nous voulons être des ancêtres, a-t-il écrit je ne sais où, que notre existence soit une date du monde. » Cette pensée si grave, si brûlante, comment la méconnaît-on ? […] Eugène Montfort a prononcé des mots d’une force et d’une tendresse peut-être plus pures encore : « Puisqu’on ne se plaît plus à l’église, a-t-il écrit au cours de l’Essai sur l’amour, je voudrais qu’aujourd’hui la voix du poète — comme autrefois celle des cloches — sonnât dans toutes les âmes ; je voudrais qu’elle les réunît, elle aussi, dans un vol unanime ; je voudrais qu’elle les fît vivre ensemble dans ce temple incommensurable qu’est le monde. » Voilà l’expression positive de nos pensées. […] Paul Adam, par exemple, au cours de différents articles, a prétendu que nous nous opposions « au mouvement de pensée institué par des philosophes comme Gustave Flaubert, comme Jules Laforgue, etc. ».

1585. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Le système de signes dont je me sers pour exprimer ma pensée, le système de monnaies que j’emploie pour payer mes dettes, les instruments de crédit que j’utilise dans mes relations commerciales, les pratiques suivies dans ma profession, etc., etc., fonctionnent indépendamment des usages que j’en fais. […] Non seulement ces types de conduite ou de pensée sont extérieurs à l’individu, mais ils sont doués d’une puissance impérative et coercitive en vertu de laquelle ils s’imposent à lui, qu’il le veuille ou non. […] Une pensée qui se retrouve dans toutes les consciences particulières, un mouvement que répètent tous les individus ne sont pas pour cela des faits sociaux.

1586. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Il était persécuté, dès sa jeunesse, par la pensée qu’il fallait faire quelque chose de grand. […] Il l’a surtout tirée de ses papiers et de sa correspondance ; car cet homme, qui savait écrire comme il agissait, a beaucoup écrit, et nous avons dans ses diverses lettres une relation vivante et presque haletante de ses efforts, de ses intentions et de ses projets, qui nous émeut, nous, les admirateurs de tant d’âme, mais que les gouvernements aux longues pensées doivent un jour méditer. […] Mais c’est un chrétien et non pas un giaour, un chrétien profond, resté tel dans les abîmes de son être, — dans le cours de son sang, — par-delà et par-dessous tous les doutes, toutes les mauvaises pensées, toutes les tentations du xixe  siècle ; c’est un chrétien naïf de foi, qui écrit à son frère, avant de mourir comme il convient, disait-il, à un gentilhomme ; « Le curé de Guaymas sort d’ici : c’est un homme intelligent et doux, un homme comme il en faut pour adoucir ce qu’il y a de trop léonin et d’indompté en moi.

1587. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

La France monarchique et catholique à la vie dure vivait toujours, malgré tout ce qu’on avait fait pour la tuer… Les causes du succès du Génie du Christianisme, qui fut un triomphe et qu’on pouvait appeler : le 18 brumaire de la pensée, car ce jour-là Chateaubriand avait jeté les idées de la Révolution par la fenêtre, comme Bonaparte y avait jeté les représentants, — les causes de ce beau succès n’étaient pas toutes dans le talent, nouveau comme le Nouveau Monde, d’où il venait, et qui se révélait tout à coup avec tant d’éclat… Mais le succès de Lamartine, beaucoup plus personnel, venait, lui, uniquement de son genre de génie. […] Tout ce que j’estime, moi, l’erreur ou l’égarement de Lamartine, la duperie de son cœur, une imagination qui n’aurait dû créer que dans l’ordre de la pensée, constitue pour M. de Lacretelle la gloire de l’homme qui n’avait plus rien à demander à la gloire après les Méditations et les Harmonies. […] J’ai dit la pensée et les sentiments de ce livre : en voici maintenant le talent.

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