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1580. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Quelque jeune ami, — et il en avait de cet âge, et un particulièrement bien digne de lui134, — devrait se donner pour tâche pieuse de recueillir dans ses divers écrits, et aussi dans les lettres pleines d’effusion et nourries de détails qu’il adressait à ses amis de France durant ses voyages d’Allemagne et d’Italie, des extraits, des pensées, des jugements, de quoi rappeler et fixer dans la mémoire quelques traits au moins de la physionomie de cet homme excellent dont les qualités morales et la candeur égalaient la haute intelligence. […] Toute pensée n’est-elle pas sujette à la contradiction comme à la première de ses lois (et à la plus utile) ? […] Au reste, j’espère que cette pensée est aussi la vôtre.

1581. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Mais si l’on considère de l’humanité son âme, son intelligence, sa moralité, sa destinée évidemment supérieure à cette vie et à cette mort entre lesquelles elle s’agite, sa connaissance de Dieu, l’hommage qu’elle rend à ce maître suprême de ses destinées individuelles ou collectives, la transition entre le fini et l’infini dont elle paraît être le nœud par sa double nature de corps et de pensée, sa conscience, faculté involontaire, révélation, non de la vérité, mais de la justice, son instinct évidemment religieux, son inquiétude sacrée qui lui fait chercher son Dieu, avant tout créature sacerdotale, chargée spécialement par l’Auteur des êtres de lui rapporter en holocauste les prémices de ce globe, la dîme de l’intelligence, la gerbe de l’autel, l’encens des choses créées, la foi, l’amour, l’hymne des créations muettes, la parole qui révèle, le cri qui implore, l’obéissance qui anéantit le néant devant l’Être unique, le chant intérieur qui célèbre l’enthousiasme, qui soulève comme une aile divine l’humanité alourdie par le poids de la matière, et qui la précipite dans le foyer de sa spiritualité pour y déposer son principe de mort et pour y revêtir d’échelons en échelons sa vraie vie, son immortalité dans son union à son principe immortel ! […] L’homme est petit par ce qu’il fait, il n’est grand que par ce qu’il pense ; ne mesurez pas le globe par son diamètre, mesurez-le par la masse de pensées qui en est sortie. Cette pensée est plus vaste que la circonférence de toutes ces sphères flottantes qu’aucun de vos chiffres ne peut calculer.

1582. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Que de sagesse dans ce rire, que de raison dans cette démence, et sous ces grimaces, quel masque douloureux et sévère de l’art et de la pensée indignée ! […] Théodore de Banville célèbre uniquement, sans arrière-pensée — et même sans pensée — la gloire et la beauté des choses dans des rythmes magnifiques et joyeux. […] Théodore de Banville a été ébloui et séduit par la splendeur de la ligne dans l’art grec, dans la statuaire comme dans la pensée.

1583. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

« Les grandes pensées viennent du cœur », disait déjà Vauvenargues, et il entendait par là qu’il n’est point de génie ni d’héroïsme sans passion. […] Les esprits étaient obsédés d’images lugubres, de pensées effrayantes. […] De même que ces crises tragiques, un changement dans la nourriture, dans la manière de vivre se répercute en sentiments et en idées que les écrivains expriment, sans en soupçonner souvent l’origine. « Savez-vous, disait Edmond de Goncourt à Taine50, si la tristesse anémique de ce siècle-ci ne vient pas de l’excès de son action, de ses prodigieux efforts, de son travail furieux, de ses forces cérébrales tendues à se rompre, de la débauche de sa production et de sa pensée dans tous les ordres ? 

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