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1200. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Dans ces soins de ménage et de simplicité domestique, alternant avec les emplois d’une pensée élevée, comment ne pas entrevoir un commencement de similitude ? […] à conjurer ces fantômes : je ne savais pas qu’il n’y a de repos qu’en vous ; » quand on entend ce simple élan interrompre le récit, on sent que l’auteur lui-même s’y échappe et s’y confond, et qu’il dit sa propre pensée par la bouche de cette martyre. […] Une de ses pensées habituelles était que, pour ceux qui ont subi jeunes la Terreur, le bel âge a été flétri, qu’il n’y a pas eu de jeunesse, et qu’ils porteront jusqu’au tombeau cette mélancolie première. […] Presque séparée du monde alors, entourée des soins les plus constamment pieux par sa fille Mme la duchesse de Rauzan, tantôt à Paris, tantôt à Saint-Germain, finalement à Nice, où elle mourut en janvier 1829, elle fut toute aux pensées graves et immortelles qu’accompagnaient et nourrissaient encore des soins assidus de bienfaisance. […] De la lecture rapide qu’il m’a été donné de faire de l’un de ces ouvrages (Olivier), j’avais pris en note quelques pensées, notamment celles-ci : « Il y a des êtres dont on se sent séparé comme par ces murs de cristal dépeints dans les contes de fées : on se voit, on se parle, on s’approche, mais on ne peut se toucher. » « Il en est des maladies de l’âme comme de celles du corps : celles qui tuent le plus sûrement sont celles qu’on porte avec soi dans le monde ; il y a des désespoirs chroniques (si on osait le dire) qui ressemblent aux maux qu’on appelle ainsi : ils rongent, ils dévorent, ils détruisent, mais ils n’alitent pas. » « Le désaccord dans les mouvements du cœur irrite comme le désaccord en musique, mais fait bien plus de mal.

1201. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

… La pensée, la pensée, eh ! […] la pensée est le produit du corps entier. […] Au fond, il y a de bons et de mauvais romanciers ; et, parmi les bons, il y en a qui expriment surtout le monde extérieur et les sensations, et d’autres qui analysent de préférence les sentiments et les pensées ; et ceux-ci ne sortent pas plus de la réalité que ceux-là. […] Vous ne vous méprenez point sur ma pensée, n’est-ce pas ?

1202. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Le bouddhisme lui-même, qui est bien sorti de la pensée pure, a conquis une moitié de l’Asie pour des motifs tout politiques et moraux. […] Certes il s’en faut que ces pensées fussent celles de tous. […] Déjà du temps de Job, elle était fort ébranlée ; les vieillards de Théman qui la professaient étaient des hommes arriérés, et le jeune Elihu, qui intervient pour les combattre, ose émettre dès son premier mot cette pensée essentiellement révolutionnaire : la sagesse n’est plus dans les vieillards 154 ! […] Jésus, dès qu’il eut une pensée, entra dans la brûlante atmosphère que créaient en Palestine les idées que nous venons d’exposer. […] En aucun pays du monde, les montagnes ne se déploient avec plus d’harmonie et n’inspirent de plus hautes pensées.

1203. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Cependant, vers le temps où ce Turc, violent d’ailleurs et ambitieux, s’intéressait si fort à ces choses de l’esprit, et avant qu’il fût encore monté sur le trône, un homme, doué de génie par la nature, s’était senti poussé de lui-même à ces hautes pensées par une vocation puissante. […] Mais ce poète, nommé Dakiki, n’avait pas en lui tout ce qu’il faut de sagesse pour accomplir les pensées graves ; il se laissa aller aux mauvaises compagnies, il leur abandonna son âme faible et douce, et périt assassiné dans une débauche. […] À cette première nouvelle qu’il eut de l’appel du sultan Mahmoud, il tressaillit : « Mon étoile endormie, dit-il, s’éveilla ; une foule de pensées surgirent dans ma tête. […] Au reste, ce n’est point par un désir égoïste de vengeance qu’il écrit cette satire, c’est dans une pensée plus haute : Voici pourquoi j’écris ces vers puissants : c’est pour que le roi y prenne un conseil, qu’il connaisse dorénavant la puissance de la parole, qu’il réfléchisse sur l’avis que lui donne un vieillard, qu’il n’afflige plus d’autres poètes, et qu’il ait soin de son honneur ; car un poète blessé compose une satire, et elle reste jusqu’au jour de la résurrection. […] La pensée de Voltaire est toute philosophique et humaine ; il veut inspirer l’horreur des guerres civiles.

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