Et quand même il auroit connu le monde, son état lui auroit peut-être interdit la liberté de donner à ses peintures toute l’énergie qu’un laïque peut se permettre sans conséquence. […] L’Art de la Peinture, Poëme latin par Charles du Fresnoy, parisien, peut entrer en comparaison avec celui d’Horace sur l’Art poétique. […] in-12. avec un petit Dictionnaire des termes de peinture. […] Il est sans doute singulier qu’un Poëme, qui enseigne un pareil art, & où l’on trouve des peintures des plaisirs de l’amour, & des détails sur l’article de la génération, ait été composé par un Abbé & dédié à un Cardinal.
Les principaux traits de cet autre moment si bien rempli furent la suprématie, le culte de l’Art considéré en lui-même et d’une façon plus détachée, un grand déploiement d’imagination, la science des peintures, l’histoire entamée dramatiquement, évoquée avec souffle, comme dans le Cinq-Mars et le Cromwell, la reproduction expressive du Moyen-Age mieux envisagé, de Dante et de Shakspeare compris à fond ; on perfectionna, on exerça le style ; on trempa le rhythme ; la strophe eut des ailes ; on se rapprochait en même temps de la vérité franche et réelle dans les tableaux familiers de la vie. […] De nos jours, quand il a abordé certaines parties du règne de Napoléon, ç’a été la critique et l’ironie qui ont prévalu ; il nous a peint des lieutenants de la vieille armée espions, de jeunes fils de famille bonapartistes grossiers ; et sa sublime Prise d’une Redoute n’est que le côté lugubre de la gloire militaire : il n’a pas embrassé, dans les peintures détachées qu’il en a données, l’harmonie de ce grand règne.
Le fleuve qui vient de la droite laisse couler paisiblement devant ma demeure ses ondes salutaires… » Voilà sans doute un harmonieux début pour exprimer le coin du quai des Lunettes ; nous regrettons que l’éditeur n’ait pas fait de nombreux retranchements dans toute cette partie élémentaire qui n’avait d’intérêt que comme échantillon ; tant d’autres peintures franches et fraîches à côté y auraient gagné. […] Elle raconte et confesse, en fort bon style didactique, ses propres luttes épineuses sur l’article de la vanité : « Voilà, ma bonne amie, une peinture ingénue des révolutions dont mon cœur fut le théâtre !
Il ne suffit pas de remuer l’âme ; il faut l’éclairer ; et tous les effets qui frappent seulement les yeux, les tombeaux, les supplices, les ombres, les combats, on ne peut se les permettre, que s’ils servent directement à la peinture philosophique d’un grand caractère ou d’un sentiment profond. […] Je ne sais si la gloire même, seule pompe de la vie que l’esprit philosophique puisse honorer, je ne sais si le tableau de la gloire même remuerait aussi puissamment des spectateurs républicains, que la peinture des émotions qui répondent à tout notre être par leur analogie avec la nature humaine.