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182. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 6, des artisans sans génie » pp. 58-66

Ces esprits médiocrement propres à beaucoup de choses, ont la même destinée quand on les applique à la peinture. […] Il est même des professions où l’imagination, où l’art d’inventer est aussi nuisible, qu’il est necessaire dans la poësie et dans la peinture.

183. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Goethe a su joindre à cette peinture des inquiétudes de l’âme, si philosophique dans ses résultats, une fiction simple, mais d’un intérêt prodigieux3. » Ce jugement de madame de Staël est profond et parfait pour l’époque où elle écrivait. […] C’est, dit-elle, la peinture des maladies de l’imagination dans notre siècle ; et la cause de ces maladies, elle la trouve dans ces pensées qui nous assiègent, et qui ne peuvent se changer en actes, c’est-à-dire dans le contraste de notre développement intellectuel et sentimental, à nous autres modernes, avec la triste vie à laquelle nous condamne la constitution actuelle de la société. […] Toute peinture ainsi faite par l’auteur d’un ouvrage, dans le but d’expliquer cet ouvrage, devient personnelle au point de manquer de largeur et de lumière : au lieu de la Providence qui enfante les chefs-d’œuvre de l’esprit humain, on ne découvre plus que le hasard des causes accessoires. […] De là toutes ces images du monde extérieur introduites si naturellement dans la peinture des sentiments, qu’on dirait qu’elles ne font avec elles qu’un seul tissu. […] Montrez-nous, en un mot, dans toutes vos peintures, le salut de la destinée individuelle lié à celui de la destinée universelle.

184. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Vous diriez des tableaux de l’école française éteints par le voisinage de peintures vénitiennes. […] Au dix-neuvième siècle, les plus belles poésies ne sont plus des peintures de l’homme dans des cadres appelés genres. […] Après quelque hésitation entre la peinture et la poésie, qui tout d’abord l’avaient attiré en même temps, Théophile Gautier choisit la poésie comme offrant plus de ressources à son talent, le plus plastique qui ait paru dans l’histoire de notre littérature. […] La finesse d’analyse, où excelle Mérimée, se rapproche plus de la peinture, et la langue, dans sa propriété irréprochable, a de l’abondance, du coloris et de l’accent. […] Peintures de mœurs et de caractères, dialogues, récits, descriptions, tout dans ses livres est revêtu de cette beauté suprême.

185. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

On y a vu passer Les Iambes sur la Sainte canaille, de Barbier ; La Charogne, de Baudelaire ; Les Réfractaires et La Rue, de Vallès ; Littré et ses singes, volés à Darwin ; Courbet, en peinture, Courbet-le-Déboulonneur ; Manet, L’Homme au bon bock. […] Il peint tout, dans cette Halle qu’il a choisie comme sujet de peinture incessante, dans cette Halle qui est bien plus le sujet de son livre que les personnages qui s’y agitent ; et il peint avec une telle absorption de lui-même dans l’objet, qu’il n’est plus une main conduite par une pensée, mais une espèce de palette mécanique, un pinceau qui va par l’effet d’un ressort, un procédé. […] Zola, dans sa prétention la plus accusée, qui était d’être de la peinture par les mots élevée à sa plus haute puissance plastique, n’est, au fond, qu’une suite parfois très fatigante de nomenclatures à épithètes violentes. […] C’est un livre d’intention scélérate, sous le désintéressement apparent de ses peintures. […] Zola est d’une brutalité de touche qui, de simples qu’elles sont, les fait basses, et son amour dépravé du détail laid — le mal général de la peinture à cet instant du xixe  siècle — les abaisse davantage encore.

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