Vous entendez ce que je dis, pour l’avoir souvent éprouvé : l’écrivain, le peintre, le musicien, — celui que vous voudrez, — a mis dans une œuvre son esprit, son cœur, sa nature, son tempérament ; le public ensuite, et chaque nouveau public, de génération en génération, en présence de cette œuvre dont il reçoit l’effet, y mêle ses propres impressions, d’où se produit un effet en retour, qui jaillit de sa nature à lui. […] Cela prouve, une fois de plus, que chaque peintre voit d’une certaine façon, sent la lumière et les couleurs à sa manière, et que chaque spectateur, à son tour, voit le tableau avec ses yeux à lui, avec sa façon de sentir, avec son daltonisme particulier, soit du corps, soit de l’âme ; et chaque public aussi, et chaque siècle ; de telle sorte que, après que la nature s’est, pour ainsi dire, réfractée dans les yeux et dans la pensée de l’artiste, l’œuvre de celui-ci se réfracte dans les yeux et dans le sentiment du public, et de tous les publics successifs, sous des angles toujours nouveaux. […] En second lieu, comme tous, ou presque tous, furent de grands peintres de la vie humaine, raison pour laquelle ils survivent et survivront autant que survivra l’humanité, ce sera une occasion pour nous de nous étudier nous-mêmes à leur lumière. […] « Ce n’est ici, continue-t-il, qu’une copie d’un excellent original qu’il (Lope) a mis au jour sous le titre de la Verdad sospechosa ; et, me fiant sur notre Horace, qui donne liberté de tout oser aux poètes ainsi qu’aux peintres, j’ai cru que, nonobstant la guerre des deux couronnes, il m’était permis de trafiquer en Espagne. […] Au deuxième, un théâtre s’élève sur le théâtre même, pour représenter le Martyre d’Adrien. — Genest, tout en s’habillant et en repassant son rôle, donne quelques avis au peintre de décors : Vous deviez, en la toile où vous peignez vos cieux, Faire un jour naturel au jugement des yeux ; Au lieu que la couleur m’en semble un peu meurtrie.
Je prends au hasard, dans cette dernière partie que je crois la moins réussie : « Acceptons le Greco dans son intégrité, comme un peintre dont le génie c’est de penser à l’espagnole. […] D’un point de vue strictement descriptif, ce mouvement si rapide paraîtrait un contre-sens, puisque, sur les métopes, il était insensible ; mais alors autant vaudrait reprocher à un peintre d’enfermer dans une toile d’un mètre un paysage de trois lieues. […] Parce que les bourgeois le dégoûtaient, il a voulu parler d’eux sans haine, les mettre en valeur dans le même esprit de patiente lumière qu’un peintre hollandais. […] Et précisément par là il s’incorpore d’autant mieux à ce cercle, à cette suite tumultueuse d’histoire littéraire, où ont vécu des passions littéraires, où se sont formées, comme chez les peintres de la Renaissance, des haines et des sympathies d’atelier. […] Il y a — heureusement — de nombreuses autres écoles de peintres.
Il est le grand peintre de la grimace humaine. […] C’était une simple esquisse faite dans une des dernières années de la Restauration par un de mes parents, le peintre Gabriel Guérin, de Strasbourg. […] Peintre, philosophe, mathématicien, tout ce qu’il dit est rare et profond. […] Comme peintre, c’est tout le contraire. […] Mes oncles, qui sont d’excellents peintres, et mon maître m’ont tellement tourmentée, que j’ai dû prendre la résolution de peindre à l’huile.
Peintre, il ne demande aucune consolation à son art ; diplomate, à la vérité malgré lui, il se rebute au premier incident qui blesse sa susceptibilité jalouse. […] On en va juger en examinant Les Proscrits (1802) et Le Peintre de Saltzbourg (1803). […] Les mêmes observations peuvent s’appliquer au Peintre de Saltzbourg. […] Je ne jugerai pas le Peintre de Saltzbourg. […] Au reste, la nature intime de ce grand peintre répondait au caractère de ses œuvres.