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256. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Mais il vaut la peine d’y faire attention pour consoler ceux qui ont cru le génie français opprimé par le culte de l’antiquité : la raison ne reçoit de loi que d’elle-même ; et, du moment que c’est la nature qu’on aime dans l’antiquité, il pourra bien arriver que parfois (comme dans l’épopée ou l’églogue) on reçoive pour vraie nature ce qui n’existera pas hors des œuvres anciennes ; mais il arrivera bien plus communément qu’on trouvera dans les œuvres anciennes la nature contemporaine, crue éternelle ; et si elle n’y est pas, on l’y trouvera cependant. […] À vrai dire, la transformation de son naturalisme scientifique en naturalisme esthétique ne se fit pas sans quelque peine. […] Si on relit le début de l’Art poétique, on y trouvera sans peine que Boileau exige du poète la vocation, le don naturel et spontané. […] Les règles formelles y sont peu nombreuses, et connues, comme les unités dramatiques, que Boileau énonce en deux vers, ou la coupe en actes, qu’il ne se donne pas la peine d’indiquer.

257. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Elle nous montre tout près de la faute la peine, et dans le même jour la rémunération et le châtiment. […] Pour la peine, elle n’est plus bornée, comme dans la morale philosophique, à la vie présente ; mais, en revanche, la morale chrétienne nous parle d’un pardon plus vaste que la peine, et nous promet une justice qui réformera bien des condamnations et cassera bien des absolutions de la justice humaine. […] A peine, dans quelques chapitres, un ou deux de ces portraits, qui firent plus tard la gloire de La Bruyère, interrompaient-ils cette suite de moralités détachées, que rassemblait, sans les lier, le titre du chapitre.

258. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Comme ses contemporains, il se soumet sans peine aux règles venues de l’antiquité ; seulement sa soumission est spontanée et il n’oublie pas plus que Molière ou Racine que « la grande règle de toutes les règles est de plaire183 ». […] A peine si Boileau accorde à Villon et à Marot quelques maigres éloges qui encore portent à faux ; il traite Ronsard et son école avec une insultante pitié ; et l’historien qu’il essaie d’être pousse un soupir de soulagement, comme un homme perdu dans la nuit qui voit poindre l’aurore, quand, dans sa course rapide à travers le passé littéraire de la France, il arrive à Malherbe, son précurseur. […] Clovis, roi des Francs, leur apparaît comme un petit Louis XIV ; ils lui prêtent une cour, des palais splendides, un pouvoir presque absolu ; ils suppriment si bien l’élément pittoresque, ils se donnent si peu la peine de se figurer le costume et les usages des hommes d’autrefois, et surtout ils imaginent si naïvement la persistance à travers les âges d’un « cœur humain » identique à lui-même, que le tissu de l’histoire devient quelque chose de terne et de grisâtre où rien ne se détache en relief. […] A peine oserai-je proposer quelques conseils à quiconque veut ressusciter une époque littéraire.

259. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Quatre ou cinq camarades logeaient ensemble chez quelque artisan de la ville ; chaque écolier avait avec lui ses provisions pour la semaine, ses vivres qui lui venaient de la maison paternelle : Notre bourgeoise nous faisait la cuisine, et pour sa peine, son feu, sa lampe, ses lits, son logement, et même les légumes de son petit jardin qu’elle mettait au pot, nous lui donnions par tête vingt-cinq sols par mois ; en sorte que, tout calculé, hormis mon vêtement, je pouvais coûter à mon père de quatre à cinq louis par an. […] Aussi brusquement laissé qu’il avait été pris, il nous fait ensuite assister à ses peines, à sa désolation et à sa consolation, qui ne tarda guère ; elle lui vint de la part de la célèbre actrice Mlle Clairon, qui était de son âge et qui sentit au théâtre ses succès. […] Que le reproche fût injuste, peu importe : ce sont choses qui ne valent pas la peine d’être vérifiées. […] Marmontel modeste, occupé, goûté, s’étant réduit sciemment à des genres secondaires, « à des genres d’écrire dont on pouvait sans peine, disait-il, pardonner le succès », vivait heureux et était même assez sage pour mépriser les critiques qui, de tout temps, l’avaient de loin harcelé.

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