Il n’y a point de beauté ou d’esprit qui tienne : le premier mérite, le mérite fondamental de toute partie, de la plus petite comme de la plus grande, c’est de servir à soutenir le tout ; la grâce, le piquant, le plaisant, le sublime s’ajouteront par surcroît : il faut d’abord que la chose contribue à prouver ou à peindre, à pousser l’œuvre vers la fin qui lui est assignée. […] Justifiant une plaisanterie d’une de ses comédies, qu’on ne trouvait guère fine, il disait qu’elle n’était plaisante que par réflexion au personnage : « l’auteur n’a pas mis cela pour être de soi un bon mot, mais seulement pour une chose qui caractérise l’homme, et peint d’autant mieux son extravagance ».
Jules Barbier n’est point une aventure particulière, mais la tragique et sanglante et merveilleuse histoire de l’Église de Lyon dans la dix-septième année du règne de Marc-Antonin ; que son dessein est de nous peindre des phénomènes moraux collectifs, de nous montrer, dans tout un groupe de chrétiens, la contagion de la foi et de l’héroïsme, la sublime émulation et, proprement, l’ivresse du martyre ; et, si vous voulez, de donner une forme dramatique au dix-neuvième chapitre du Marc-Aurèle d’Ernest Renan. […] Il n’a pas d’ailleurs été partout inégal à sa tâche ; et voici une scène, — la dernière, — où la maternité chaste et sanglante de Blandine, aidant le pauvre petit Ponticus à souffrir et à mourir, est peinte de traits assez forts et assez doux : PONTICUS Pardonne-moi, j’ai peur !
C’est une série de petits tableaux, genre Watteau, peints à la plume par l’auteur des Poèmes saturniens et accrochés à la vitrine du libraire Lemerre, avec cette enseigne affriolante : Fêtes galantes. […] Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs.
Semblables à ces Magiciens qu’on nous peint évoquant les paisibles habitans des tombeaux, ils sont fiers d’arracher l’homme de génie à sa retraite, & de le transporter dans des murs étonnés de le voir. […] Qui ne sent frémir la partie la plus sensible de lui-même à la touche énergique d’un Tacite, il peint & il écrase les tyrans, & du même trait les dévoue à l’opprobre.