J’ai passé mes plus belles années à épuiser cette vaste collection ; que m’a-t-elle appris ? […] Pourquoi, par exemple, avez-vous imaginé qu’en feuilletant, étudiant, compilant des livres de métaphysique, vous y trouveriez des lumières sur tant de questions, moitié creuses, moitié sublimes, l’écueil éternel de tous les philosophes passés, présents et futurs ? […] Vous avez voulu faire une tragédie, et vous ignorez les passions ; une comédie, et vous ignorez le monde ; une histoire, et vous ne savez pas que lorsqu’on écrit l’histoire de son temps, il faut se résoudre à passer pour satirique ou pour flatteur, et par conséquent se préparer d’avance à la haine ou au mépris. […] J’excusai les gens de lettres, je passai condamnation sur les protecteurs, et je défendis le public.
II Ainsi, un homme de style, — d’un style personnel, — un fantaisiste, d’un caprice charmant et d’une bonne humeur infatigable, qui disait tout ce qui lui passait par sa bonne grosse tête, voilà tout Jules Janin et son mérite. […] Il oubliait parfaitement tout cela, et son brin de toilette, à lui, quand il en faisait un peu, n’était qu’un brin de muguet ou de violette à deux sous (la rente future de sa femme) qu’il passait à sa boutonnière, tout près de ce fameux gilet de piqué blanc « d’une entière blancheur », comme dit l’opéra-comique. […] il me plaît tant, cet homme de lettres et d’esprit, et d’esprit français, que j’ai essayé de replacer aujourd’hui dans la lumière de son mérite, qui est immense et qui est charmant, et dont la nature est de passer, — de n’être pas plus immortel que les fleurs qui passent, — il me plaît tant que j’arrête ici mon chapitre !
Il a donc passé par la poésie, — par l’observation morale, — par la description pittoresque des choses et des hommes avant d’arriver à l’histoire, à l’histoire à laquelle il fera bien de rester, car c’est sa vocation réelle. […] C’est la poésie même du passé racontée par un homme qui sent la poésie partout où elle est, et elle est partout ! […] … Pour ma part, je me défie beaucoup des gens qui devancent l’avenir dans les histoires du passé. […] La beauté et la laideur morale tiennent une telle place dans les hommes, même les plus éclatants par le génie et par la gloire, que toutes ces figures qui passent rayonnantes, ténébreuses ou indécises, dans cette étendue du xvie siècle, lequel semble plus grand par l’effet de tout ce qu’il contient dans sa longueur encombrée, paraissent, sous la main de ce grand connaisseur en beauté morale, avoir des lumières ou des ombres de plus !
Il semble que l’action ait dû réellement se passer telle qu’on la représente. […] Il eût été plus conforme aux bienséances qu’elle fit prier, par Arbate, le jeune prince de passer dans son appartement. […] Aujourd’hui les déclarations sont absolument passées de mode ; on ne fait plus que des propositions. […] Cependant le temps passe, et, durant qu’il tournoie, L’exercice augmente sa faim. […] Je ne dispute pas sur le passé ; mais nos cœurs, sans doute, se sont endurcis depuis ce temps-là ; car personne n’a pleuré, et plusieurs ont ri de la brusque conversion de cette Rodhope, qui passe, dans un clin d’œil, de l’excès de la dureté à l’excès de la tendresse.