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320. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

C’est que Buffon est avant tout un philosophe : les faits particuliers ne l’intéressent que par le sens qu’ils contiennent, par la lumière qu’ils apportent dans un essai d’explication générale de l’univers. […] D’autres ont pu peindre quelques apparences de la nature ; ils ont offert à nos sensations quelques formes particulières, éparses dans l’immensité de l’espace et de la durée, et qui s’assortissaient à la qualité de leur âme.

321. (1890) L’avenir de la science « XIV »

L’Angleterre, je le sais, comme autrefois à quelques égards l’ancienne France, suffit à presque tout par des fondations particulières, et je conçois que, dans un pays où les fondations sont si respectées, on puisse se passer d’un ministre de l’Instruction publique. L’État, je le répète, ne doit que suppléer à ce que ne peuvent faire ou ne font pas les individus ; il a donc un moindre rôle dans un pays où les particuliers peuvent et font beaucoup.

322. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

Nous savons que le siècle appelle cela le fanatisme ; nous pourrions lui répondre par ces paroles de Rousseau : « Le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel 49, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l’homme et qui lui fait mépriser la mort ; qui lui donne un ressort prodigieux, et qu’il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus ; au lieu que l’irréligion, et en général l’esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société : car ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose, qu’il ne balancera jamais ce qu’ils ont d’opposé50. » Mais ce n’est pas encore là la question : il ne s’agit à présent que d’effets dramatiques.

323. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Une différence ne peut jamais se représenter par quelque chose d’analogue aux choses mêmes qui diffèrent95. » — Assurément, mais vous ne prouvez point par là que la différence ne se manifeste pas d’une manière sensible à la conscience et ne s’y traduise pas par un « sentiment » particulier, au sens anglais du mot feeling ; et ce sentiment aura ceci d’analogue avec les autres qu’il est une affection, une impression subie par la conscience, non un acte tout intellectuel. […] Il y a donc au moins trois états nécessaires au sentiment de la différence, et non pas seulement deux comme le dit Spencer : un premier état A, un second état différent B, et un état spécifique de transition, de contraste, de changement, une impression particulière d’action subie et de réaction proportionnelle. […] Donc les impressions différentes, comme les impressions semblables, viennent d’elles-mêmes coïncider dans la conscience, et il en résulte une impression composée, dont le mode particulier de composition s’appelle tantôt similitude, tantôt dissimilitude. […] Remarquons d’ailleurs que toute conscience distincte d’un état particulier suppose un changement, une opposition de cet état avec un état précédent. […] « S’il est vrai, dit-on encore avec Platon, que je ne puisse me représenter un triangle équilatéral sans provoquer un mouvement particulier dans le siège de la pensée, est-il également vrai que j’y provoque d’autres mouvements pour saisir le rapport d’égalité qui existe entre ses côtés98 ?

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