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1036. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Sans compter que sa fonction lui impose une vie à part, le fond de pensées habituelles que cette fonction implique doit non seulement réagir sur ses manières, sa parole et toute sa tenue, mais encore imprimer à tous ses sentiments, à ses passions, à ses vices comme à ses vertus, une marque énergiquement caractéristique. […] Et, quant à lui, non seulement il les voit, mais il les voit plus grands que nature ; l’intensité du regard qu’il fixe sur eux les gonfle, les rend démesurés ; il les admire, il les craint, il les trouve sublimes ou redoutables, il frémit sous leur parole. […] De là des outrances et des naïvetés : continuellement il nous avertit que ce que nous voyons ou entendons est terrible, et, comme il le croit, il nous le fait croire. « Tout à coup il eut un soubresaut, et de sa bouche s’échappèrent ces paroles épouvantables. » Ou bien : « On ne saurait croire l’expression de force, de fermeté, que la figurine de ce vieillard de soixante-quinze ans, molle, souriante auparavant, venait de prendre tout à coup. » Et voyez quelle conviction dans cette réflexion candide : « En vérité, l’homme est-il ainsi fait que la passion le puisse ravaler à ce point ?

1037. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Un torrent de parole énorme qu’il dirige, Un verbe surhumain, superbe, engloutissant, S’écroule de sa bouche en tempête, et descend Et coule et se répand sur la foule profonde…. […] C’est elle, le quadrige orageux, le torrent de parole surhumaine. […] Hugo est le monstre de la parole écrite.

1038. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Très peu de paroles importe : c’est ou pas, à l’instant. […]   Je sais que la Musique ou ce qu’on est convenu de nommer ainsi, dans l’acceptation ordinaire, la limitant aux exécutions concertantes avec le secours, des cordes, des cuivres et des bois et cette licence, en outre, qu’elle s’adjoigne la parole, cache une ambition, la même ; sauf à n’en rien dire, parce qu’elle ne se confie pas volontiers. […] Près, eux, se réservent, au loin, comme pour une occasion, ils offensent le fait divers : que dérobent-ils, toujours jettent-ils ainsi du discrédit, moins qu’une bombe, sur ce que de mieux, indisputablement et à grands frais, fournit une capitale comme rédaction courante de ses apothéoses : à condition qu’elle ne le décrète pas dernier mot, ni le premier, relativement à certains éblouissements, aussi, que peut d’elle-même tirer la parole.

1039. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Elle part sur ce dernier coup de tam-tam, et l’on se rappelle la maxime où La Rochefoucauld recommande « de ne point se servir de paroles plus grandes que les choses ». […] Nourvady veut protester, il affirme son innocence ; elle lui coupe impérieusement la parole. […] Cette étrange hermine se roule dans la fange pour punir celui qui la croit tachée. — « Mon mari avait raison, hier, quand il me traitait comme une prostituée : j’en suis une et très heureuse de l’être. » Lionnette ne se lavera jamais de cette parole-là ; elle en restera irréparablement tarée pour elle-même ; une telle souillure ne s’efface pas.

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