Ce discours vous déplaira fort, Et je confesse que j’ai tort De parler du soin de ma vie À celui qui n’eut d’autre envie Que de chercher partout la mort… Mais vous et moi, c’est bien différent, continuait agréablement Voltaire : si, en l’une de vos belles journées, un coup de canon vous avait envoyé chez Pluton, vous étiez sûr d’avoir toutes les consolations magnifiques qu’on décerne aux fameux capitaines : service solennel, oraison funèbre, et Saint-Denis peut-être au bout : Mais si quelque jour, moi chétif, J’allais passer le noir esquif, Je n’aurais qu’une vile bière ; Deux prêtres s’en iraient gaiement Porter ma figure légère Et la loger mesquinement Dans un recoin du cimetière. […] Le curé de Maincy est interdit, parce qu’il ne parle pas bien de la Trinité. […] Quant à Voltaire, il a toujours convenablement parlé de Villars.
Les Allemands sont assurément les plus admirables travailleurs classiques que l’on puisse imaginer ; depuis qu’ils se sont mis à défricher le champ de l’antiquité, ils ont laissé bien peu à faire pour le détail et le positif des recherches ; ils ont exploré, commenté, élucidé les grandes œuvres ; ils en sont maintenant aux bribes et aux fragments, et ils portent là-dedans un esprit de précision et d’analyse qu’on serait plutôt tenté de leur refuser lorsqu’ils parlent et pensent en leur propre nom. […] Et je me demandais (toujours dans mon songe), par un retour sur nos époques paisibles et sûres d’elles-mêmes, si de telles vicissitudes étaient à jamais loin de nous ; si, en accordant un laps suffisant d’années, les révolutions inévitables des mœurs et du goût, sans parler des autres chances plus funestes, n’infligeraient pas aux littératures modernes quelque chose au fond de plus semblable qu’on n’ose de près se l’imaginer. […] Les langues iront se perfectionnant à coup sûr, mais à ce point qu’on pourrait bien ne plus parler, ne plus savoir exactement la nôtre.
Ce que mon frère a pu lui dire là-dessus a été inutile : c’est, comme il vous l’a mandé, parler aux rochers. […] « Vous devez vous ressouvenir que, quand vous vous fîtes annoncer à Choisy, dans un moment où il était en tête-à-tête avec Mme de La Tournelle pour lui faire part des propositions du roi de Prusse, il ne montra aucun empressement pour recevoir l’envoyé, qui voulait lui parler sans conférer avec les ministres. […] L’auteur, qui avait eu l’occasion de voir continuellement Louis XV dans ses chasses dont il était lieutenant, parle de ce roi d’un ton de vérité plutôt bienveillante ; mais il insiste autant que personne sur sa timidité ; sa défiance de lui-même, son impuissance totale de s’appliquer, et cette inertie, cette apathie incurable qui ne fit que croître avec les années.
Fouché en parla au général, d’après l’ordre du consul. […] Bonaparte donna pour premier mot au grand juge Régnier, le jour de l’arrestation de Moreau : « Voyez avant tout interrogatoire si Moreau veut me parler ; s’il le veut, mettez-le dans votre voiture et amenez-le moi : que tout se termine entre nous deux. » Moreau hésita un moment et refusa. […] reprit vivement Napoléon, ne me parlez pas d’une religion qui ne me prend qu’à vie, sans m’enseigner d’où je viens et où je vais. » Napoléon touchait là du doigt les deux pôles de toute religion.